• Chapitre 5

     

     

    Les vacances de Noël passèrent assez vite, suffisamment pour qu'aucun événement notable ne vienne perturber la tranquillité du petit lycée. Un gros repas fut organisé pour Noël, partagé par tout le monde dans la bonne humeur générale. Les premiers jours, les élèves restaient sur leur garde, comme s’ils refusaient de croire à ce répit qui leur tombait dessus. Puis, comme les jours passaient et qu’aucune autre mauvaise nouvelle ou disparition ne leur parvenait, tout le monde finit par mettre ses sombres hypothèses entre parenthèses pour profiter pleinement des vacances.

     Puis arriva la nouvelle année, et ses nombreuses galettes des rois, bien assez pour qu’ils soient tous sacrés rois ou reines plus d’une fois.

    Après que tout le monde ait profité au-delà du raisonnable de ses cadeaux, des gâteaux et autres confiseries qui firent prendre quelques kilos à de nombreuses personnes, la réalité revint vers eux bien plus vite qu’ils ne l’auraient voulu, et prit la forme d’une rumeur hélas un peu trop réelle...

     

    ***

     

    - Tu as entendu ?

    - Non quoi ?

    - Elle a disparu.

    - Qui ?

    - Ginger.

    - Cette fille colorée là.

    - Celle qui lançait des lasers ?

    Les rumeurs couraient, encore et encore, enflant de plus en plus. Tout le monde était au courant. Ginger, une fille de deuxième année aux pouvoirs et à l’apparence improbable mais néanmoins de très bonne compagnie s’était volatilisée du jour au lendemain.

    - Ne me dite pas que ça recommence… Soupira Faye, face contre table.

    - Si ça continue l’extérieur va forcement se rendre compte de quelque chose ! Proposa Corentin. Les parents ne peuvent pas rester sans nouvelle !

    - Ca m’étonnerait fortement. Fit une voix derrière eux.

    Fermant son livre, Kalian tira une chaise pour s’assoir à son tour à la table.

    - Réfléchis une seconde, elle n’est pas encore morte, le lycée ne va pas la déclarer tout de suite. Ils attendront le délai légal et inventeront une histoire. Moi c’est ce que je ferais en tout cas.

    - Mais t’es horrible ! Murmura Marianne, choquée.

    - Tu as une meilleure option ? Répondit froidement la sniper. S’ils déclarent plusieurs disparitions, le lycée va perdre toute crédibilité. Annoncer une catastrophe comme une explosion de gaz, qui permettra de ne pas rendre les corps, leur permet de prendre beaucoup moins de risques.

    - Moi j’aime bien les chaussettes de Ginger ! Déclara soudainement Eileen.

    L’attention collective se tourna vers elle quelques secondes et elle en profita pour ajouter.

    - Vous savez, elle peut faire plein de choses avec ses chaussettes ! Et ses bracelets aussi sont super !

    - Hein ?

    - Ba oui, Ginger ! Ah la la… Bon, moi je vais cueillir des myrtilles dans le CRD. Tu viens Ginger ?

    Temps de blocage, Kalian la rattrapa et la força à se retourner avant de lui poser une main sur la tête pour la tenir à distance et éviter un câlin intempestif.

    - Tu as vu Ginger ?!

    -Bien sur, tout le monde la connaît. Elle est revenue après être montée dans l’ascenseur.

    La réaction fut unanime.

    -L’ascenseur ? Encore !

    -Et l’ascenseur, il indiquait quel étage ? demanda Kalian aussitôt.

    -Moins trois, répondit Eileen avec légèreté.

    -Tu débloques, la rabroua Corentin. Le lycée n'a pas de sous-sol.

    -J’ai vu Ginger, répéta Eileen sur le même ton.

    - Mais là, là ! Là elle est avec toi  ? cria presque Kalian en la secouant par les épaules.

    - Mais oui !

    - Et Thomas ?!

    Eileen pâlit d’un seul coup avant de reculer en secouant la tête, blanche comme un linge, cependant, Kalian la retint fermement.

    - Non !

    - Eileen ! S’il te plait !

    - Mais il me fait peur ! Tu n’as jamais lu l’histoire du vilain monsieur qui tue toutes ses femmes ?

    - C’est pas une question de Barbe Bleue Eileen, c’est important !

    - Mais il est méchant ! Gémit-elle.

    - S’il te plaît !

    - Alors fait moi un câlin !

    Kalian serra les dents. Elle n’avait pas réellement de problème avec les câlins, elle trouvait juste que c’était parfaitement inutile. Cependant, il y avait des situations faisant que…

    Sautant au cou de la sniper, la jeune colorée la serra du plus fort qu’elle put, alors que son amie soupirait de lassitude. Lorsqu’elle consentit à la lâcher, Eileen lui offrit un grand sourire innocent avant de reprendre.

    - Je vais essayer ! Mais je ne te promets rien, parce qu’il fait vraiment peur… Qu’est ce que tu veux savoir ?

    - Qui l’a tué.

    Le petit groupe eu un léger blocage en entendant les mots de Kalian. Faye posa sa main sur son épaule.

    - Kali… Il a été tué par l’un des terroristes, murmura Faye. C’est pas…

    - Il aurait du voir la personne qui lui a tiré dessus ! Le seul poste de tir possible était pile devant lui !

    Eileen s’éclipsa sans bruit alors que les deux jeunes filles commençaient à se disputer. Marianne et Lucas intervinrent, tentant de temporiser leurs éclats.

    -  Ne vous disputez pas, de toute façon Eileen nous le dira ! Essaya la première année.

    - Oui voila, et puis on sait que sa mort vous pèse parce que vous étiez sur-place, mais c’est pas une raison de vous enguirlander ! Plus vous faites ça pire ça va être !

    Kalian se contenta de grogner et de détourner la tête d’un geste sec. Faye soupira de lassitude avant de reprendre, un sourire aux lèvres.

    - Ouais ! Vous avez raison ! Sans rancune Kalian ?

    - Hm… Grogna cette dernière.

    - Oh fait pas cette tête Kalinou !

    - Comment tu m’as appelé ?!

    Lucas éclata bruyamment de rire en entendant le surnom pour le moins ridicule que venait de donner Faye à son amie. Cette dernière se vit attaquer par une négociatrice en mal d’affection qui tenta vainement de reproduire ce qu’Eileen avait miraculeusement réussi à faire.

    - Allez rien qu’un !

    - Lâche-moi !

    - Juste une fois !

    - Non !

    - Allleeeeeeeez !

    - VA CREVER !

    - Si tu ne le fais pas, les pingouins ribosomiaux vont tenter une percé tactique à la Blitzkrieg dans ton salon de manière parallélépipédique sous couvert de caleçon à cœur orange.

    - Bon d’acc… NON ! Se reprit brusquement la sniper et la repoussant d’un coup de coude. Je suis une femme ! Je peux résister à ton pouvoir !

    - Ah tu crois ça ? Déclara Faye d’un ton mielleux. Alors essayer de résister à ça ! Dans le conteste d’une ochlocratie pandimentionnelle, un procédé gnomique pourrait te contraindre à exécuter des directives chocolatées au bec bezen un dimanche de pleine lune en la compagnie des alpagas décharné lors d’un mois impaire dans la constellation de Betelgeuse suivant un angle cosinus avec les orange du Cameron !

    - D’acc…

    Un cri perçant figea les deux belligérantes et Eileen revint en courant, les yeux plein de larme pour sauter dans les bras de Faye. Tremblant de tout son corps et parlant avec autant d’intelligibilité que si elle n’avait pas de réseau, il fallut un bon quart d’heure au quatuor pour la calmer. Finalement, elle laissa échapper.

    - Il… Il a dit… u’il… do… dormait…

    - Il dormait ?! S’étonna Marianne.

    - Comment il a pus dormir ? Je sais que c’était tard le soir, mais le lycée donne pas des vitamines pour ce genre de mission au cas où ? Demanda Lucas.

    - S…si… il… il c’est… en…ormi… j…juste ap…p…rès !

    - Quoi ?! S’exclama Kalian. C’est impossible ! J’avais les même !

    - Faut croire que lui non… Constata Faye en secouant la tête sans quitter Eileen des yeux.

    La jeune fille semblait inconsolable et, autour d’elle les quatre adolescents se retrouvaient bien mal à l’aise. Il était impossible que Thomas se soit trompé dans les cachets puisque les élèves n’avaient pas accès à la réserve de médicament. Bien sur, le lycée avait pu se tromper, également. Mais cette « erreur » était-elle bien volontaire ? Le cas échéant, cela voulait dire que l’un des préparateurs de la mission avant volontairement remis de mauvais cachets à Thomas, ou au moins qu’un élève avait pu avoir accès à la réserve de médicament. Quoi qu’il en soit, la situation ne présageais rien de bon.

    - Ils vont tous nous tuer… résuma Faye.

     

    ***

     

    C'est donc sur une atmosphère un peu tendue que débuta au lycée la « semaine bilan ». Cette semaine servait aux professeurs pour évaluer les élèves et décider de leur passage au cercle suivant. C'est également durant cette période qu'étaient présentés aux élèves les différents débouchés qu'offrait le lycée. 

    La semaine commençait par un rapport que les premières années devaient présenter aux professeurs. Cette présentation était en fait un prétexte pour estimer les compétences des élèves. Au CRD, on voyait beaucoup d'élèves travaillant leurs exposés.

    Au milieux d’eux, Marianne n’arrivait pas à organiser quelque chose la satisfaisant sur sa mission en Espagne. Elle s’était très bien passée, pourtant. C'était une simple mission pour resserrer les liens entre le LP2I et un lycée à Aranjuez, à dix kilomètres de Madrid. Normalement, seul un groupe de deuxièmes années était mandaté pour s’y rendre, mais en manque de filles, des volontaires de première année suivant également les cours de SI (Sciences de l'Incompréhensible) avaient été ajoutées à la mission. Très accueillants, les lycéens Espagnols avaient grandement contribué à la réussite complète de la mission. Le rapport avait donc été rapide à rédiger mais le fait de devoir parler devant un public ( et surtout un public de professeurs dont le seul et unique but était de la juger) avait tendance à angoisser la jeune lpiienne.

    Désespérée, elle frappa un grand coup son front contre le clavier, espérant se remettre les idées en place.

    « Tout va bien, Marianne ? »

    L'interpelée sursauta en entendant cette question et se retourna. Derrière elle, se tenait deux premières années. L'une était plutôt petite et portait un robe de lolita gothique noire. L'autre était plus grande mais Marianne avait du mal à la distinguer clairement.

    « Oui, tout va très bien euh...les filles !

    -Pourquoi tu te frappait la tête, alors ? demanda gentiment la plus petite des filles.

    -Euh, en fait, tout à l'heure il y a l'oral et...

    -Tu n'as pas fini ta présentation ? 

    -Si, mais je n'aime pas vraiment parler devant un public. »

    Soudain, un cyclone entra dans le CRD et fonça vers les trois filles. Marianne mit deux bonnes secondes avant de reconnaître son ami Corentin.

    « Marianne! L'horaire de l'oral a changé! En fait, notre classe passe dans cinq minutes en 2C13 ! cria Corentin.

    -Quoi ? Mais, mais mais...

    -Allez, dépêche ! » 

    Et Corentin attrapa la clé USB et le bras de Marianne et fonça hors du CRD. Aria et Elina se regardèrent.

    « Il s'est passé quoi exactement ?

    -Je ne sais pas... »

    Machinalement, elles prirent le chemin de la cafet’ où Faye, Kalian, Lucas, Arthur et Étienne se trouvaient déjà.

    « Vous n'êtes pas en cours ? demanda Elina.

    -Non, les profs sont en train de faire passer les oraux, répondit Étienne.

    -On a vu Marianne au CRD, Corentin l'a kidnappée parce que l'horaire de leur oral a été déplacé. 

    -Ça, ça arrive souvent pendant la semaine bilan, soupira Kalian.

    - Tu veux parler des kidnappings ? demanda Aria, un étrange sourire sur le visage.

    -Non, je veux parler des changements d'horaire. La semaine bilan, c'est toujours le bazar. Les profs et les élèves n'ont pas les mêmes emplois du temps, ni les mêmes infos...

    -C'est vrai que ça à l'air d'être très organisé, ironisa Elina.

    -C'est le LP2I, quoi, conclut Étienne. Déjà, c’est un miracle qu’on ait nos emplois du temps en poche le jour-J...

    -On fait un loup-garou en attendant ? J'ai emmené un jeu ! proposa Faye. »

     

    La journée passa lentement mais surement pour le groupe de lycéens. Ils revirent Marianne et Corentin après leurs oraux ; Les deux premières années semblaient s'en être plutôt bien sortis malgré un petit problème technique avec la clé USB de Marianne qui n'avait heureusement pas empêché celle-ci de faire sa présentation.

    Aria, Ambre et Elina estimaient également s'être débrouillées pour leurs oraux et attendaient le verdict des professeurs qui tomberait après la semaine bilan. Les élèves de toutes les classes sauraient alors s'ils pouvaient passer au cercle suivant. Mais contrairement à ce que laissaient sous-entendre les professeurs, le passage de cercle signifiait que l'élève ne maitrisait pas assez ses pouvoirs et que le lycée espérait qu'une exposition plus forte aux radiations arrangerait les choses, et non que l’élève était récompensé pour ses bonnes performances.

    Les autres jours passèrent pour des journées de cours à peu près normales (si on excluait les problèmes d'organisation si typique du lycée). Le jeudi, lui, était un jour un peu spécial. Les professeurs avaient organisé ce qu'ils appelaient des « ateliers d'orientation ». Les élèves avaient dû faire un choix dans les différentes activités proposées via l'ENT, l'interface numérique du lycée. Les professeurs répartissaient ensuite les élèves selon leurs vœux et le nombre de places disponibles. Ce qui faisait que certains élèves se retrouvaient dans des ateliers complètement à l'opposé de leurs capacités.

    Sortant de ces fameux ateliers, Faye se dirigea vers la cafétéria. Elle avait passé des heures à écouter des anciens élèves raconter à quel point le LP2I avait été la meilleure opportunité qu'ils avaient eue pour préparer leur vie future. Mis à part certains pour lesquels l’avenir semblait tout tracés -des élèves comme Corentin et ses facultés de guerrier, ou kalian et ses talents de sniper, savaient qu’ils n’auraient aucun mal à trouver un poste à la fin de leurs études. Pour d’autres, comme Ambre, Elina ou Eileen, les offres étaient déjà beaucoup plus rares...

    La jeune négociatrice soupira. Elle espérait que ses futurs employeurs n'auraient pas le même goût pour les uniformes roses et les chaussures à talons aiguilles que l'administration du lycée.

    « Salut les pingouins ! Lança-t-elle au groupe à moitié endormi sur une table.

    -'Lut ! Fit Amandine. Tu as vu des trucs intéressants ce matin ?

    -Ça allait. J'ai surtout eu des ateliers sur la négociation sous toutes ses formes: pour une entreprise, pour le gouvernement, dans une banque, dans le commerce...

    -Ce n'est pas à peu près la même chose ?Demanda Lucas.

    -Si, j'ai arrêté d'écouter au bout de la 3ème heure. Heureusement, il y avait François dans mon groupe. J'ai discuté avec lui, il est plutôt sympa en fait. J'ai vu aussi Ambre à un moment. Et vous vous avez fait quoi ?

    -Moi, j'ai vu des ateliers sur les différents débouchés en informatique, fit Lucas.

    -J'ai participé à un atelier sur le renseignement. C'était exactement le même que l'année dernière, alors j'ai dormi. Expliqua Étienne. Et je crois avoir vu Elina et Mary dans le groupe mais je ne suis pas sûr. On était vraiment nombreux, il y en avait même debout dans le fond la salle. C’est un des seuls débouchés qui recrute vraiment tous les types de pouvoirs...

    -Moi ils m'ont mis dans un atelier pour les musiciens, reprit Amandine. Il y avait Eileen, Aria et Marianne même si leurs dons n'ont absolument rien à voir avec la musique. D'ailleurs je crois que c'était l'atelier bouche-trou de l'année. Seulement trois élèves sur quinze faisaient de la musique dans cette classe, c'était vraiment n'importe quoi !

    -Moi, je suis allée dans un atelier sur les métiers de l'armée et sur celui de garde du corps. Ajouta Kalian. Il y avait Corentin et...Arthur.

    -Arthur ?! Mais qu'est-ce qu'il faisait là ? Demanda Lucas. Je l'imagine mal dans l'armée et encore moins à protéger quelqu'un.

    -Il a donné sa liste de vœux trop tard alors ils l'ont envoyé dans des ateliers complètement aléatoires.

    Il y eut un silence que Faye finit par rompre.

    -Vous savez quoi, mes pingouins, soupira-t-elle en se levant. Je ne sais pas ce qu’on va devenir en sortant du lycée, mais ce que je sais, c’est que Mlle Reyn m’attend en bas pour préparer la cérémonie de passage de cercle de la semaine prochaine, et que si je n’y suis pas dans cinq minutes, je suis de corvée de lessive d’uniforme rose pour les trois prochains mois, et que ça n’a rien de drôle... je suis donc au grand regret de vous abandonner...

    Elle fit quelque pas en direction du couloir, puis Amandine la héla :

    -Dit, tu nous laisses le loup-garou ?

    -Avec joie, répondit Faye en sortant le jeu de son sac.

    Elle murmura pour elle même.

    -D’ailleurs, il serait temps qu’on démasque le loup qui s’amuse à tous nous tuer un à un avant de perdre la partie...

     

    La cérémonie de passage de cercle approchait à grands pas. Dans l'agitation naissante des couloirs, Faye déambulait de droite à gauche, tantôt une pile de dossiers dans les bras, tantôt portant péniblement des poches remplies d'objets en tout genre. Aria, qui passait par là, heurta de plein fouet la jeune fille en tailleur rose. La pile de feuilles s'éparpilla sur le sol, ainsi que le contenu des trieurs d'Aria. La fautive balbutia :

    -Ah! Euh... excuse-moi ! je me rendais au bureau de l'administration, on m'a demandé mon aide.

    -Mmh, toi aussi ? Allons-y ensemble dans ce cas. Tu as l'air de peiner à porter tout ça, en plus.

    -Je vais t'aider à ramasser !

    La chose faite, les deux jeunes filles déposèrent le tout au bureau, quand, sur le chemin du retour, elles croisèrent Ambre qui marchait, l'air pensif.

    -Hé Ambre ! Qu'est-ce que tu fais ici, toute seule ? Demanda Aria.

    -Je profite du spectacle. C'est intéressant de voir tout le monde s'agiter comme des fourmis autour de leur reine, dès qu'un évènement un peu particulier est annoncé. répondit l'intéressée sans broncher.

    Aria prit un air énigmatique, avant de lancer :

    -Est-ce que par hasard, tu aurais vu Elina ? Je ne l'ai pas vue depuis maintenant une demi-heure.

    -Non, pas du tout. Elle n'est pas avec toi, comme d'habitude ?

    Un appel au micro interrompit la conversation :

    "Votre attention s'il vous plaît. Tous les élèves sont appelés au réfectoire pour une réunion d'explication sur le passage de cercle. Aucune absence ne sera tolérée."

     

    ***

     

    Dans le réfectoire bondé, les trois amies dénichèrent des chaises libres, non sans difficulté.

    Aidée par la foule, la température montait en flèche, et ce malgré le froid cinglant du mois de janvier.

    -Mais pourquoi nous avoir tous entassés ici ? pesta Ambre, qui haïssais la foule autant qu’un bonhomme de neige un safari dans le désert.

    -Je dirai que les émeus désoxyribo-nucléiquement constitués à base de iodure citrique de dauphins voulaient exercer avec nous une interaction vocalement nuisible à notre bien-être, répondit Faye en agitant sa main en guise d'éventail.

     

    La foule d'élèves entassés écoutait, le regard vide, le discours de l'un des professeurs. Faye ne put déterminer de qui il s'agissait, car l'amas d'adolescents faisait obstacle à son champ de vision.

    Après un discours interminable sur les conditions de passage et autres subtilités aussi compréhensibles qu'ennuyeuses, tous les élèves purent quitter le réfectoire et respirer un peu.

    Le repos fut de courte durée, car à peine Faye eut-elle bu une gorgée à la fontaine de la cafétéria, bien décidée à rejoindre la partie de loup-garou en cours, qu'un nouvel appel retentissait dans les haut-parleurs : 

    "Tous les élèves ayant déjà participé à l'organisation de la cérémonie de quelque façon que ce soit sont sollicités pour participer à la réunion bilan mi-parcours. Les élèves non-présents seront considérés comme non-aptes au passage de cercle."

    Faye, trainant des talons, se rendit à la salle indiquée, suivie par Aria qui chantonnait d'un air guilleret. Les tables de la 0N05 avaient été disposées en cercle. Faye et Aria s'assirent parmi les autres intéressés. Tout l'assemblée somnolait. En effet, dans cette salle, la chaleur était encore plus insupportable. Aria se retourna et toucha le tuyau du radiateur. le constat fut rapide : il était brûlant. Après une nouvelle heure et demi de discours rabaché, Faye poussa la porte, défigurée par la chaleur. Sans se faire prier, elle se rua sur une chaise de la cafétéria :

    -Enfin... C'était horrible... 

    -Tu veux boire ? s'inquiéta Aria 

    -Ne t'inquiète pas. Mais comment fais tu pour tenir par cette chaleur, avec toutes ces couches de volants sur ta robe .

    -Hein ? 

    Aria était sans nul doute la plus épuisée des deux, et n'avait visiblement rien compris. Les deux jeunes filles en restèrent là à demi-mortes sur les chaises.

    Un nouvel appel au micro retentit. Faye ne prit pas la peine d'écouter et s'écria :

    -Mais ils veulent ma mort ! ...Perpendiculaire !

    Aria lança un regard interrogateur à la jeune fille en tailleur rose.

    -C'est la première insulte qui m'est venue en tête ! se justifia-t-elle. Je ne retournerai pas là dedans !

     

    "...les élèves absents seront sanctionnés."

     

    La panique s'empara de Faye. Elle n'avait absolument aucune idée de la salle où elle devait se rendre, ni pour quelle réunion. Se précipitant au rez-de-chaussée, elle se tourna alors vers sa voisine, le regard suppliant :

     

    -Pitié, par l'ornithorynque bleu-citron du grand théorème du carré symétriquement opposé à la gravité de la pomme de terre, dis moi que tu as écouté...

    -C'est la salle 2W05.

    -Oh non, en plus, c'est au deuxième étage... Je vais devoir monter tous ces escaliers...

     

    Faye laissa son amie en entreprit péniblement la montée des marches. La journée n'était pas encore finie ...

    Heureusement pour elle, son calvaire prit bientôt fin, avec une soirée des plus réussies. Tout s’était déroulé à la perfection, et plusieurs professeurs étaient venus la remercier et la féliciter, ce qui faisait toujours du bien à la partie la moins modeste de son égo. Première à monter en grade, Kalian passait cercle cinq, devenant une des élèves le plus haut placées du lycée, derrière Faye et Amandine et leur cercle six. Corentin était promu cercle trois, et gagnait du même coup un équipement et des armes beaucoup plus efficaces, qui d’après un savant calcul allaient permettre de doubler, voire même tripler sa rentabilité.

    Eileen grimpait d’un cercle également. C’était un pari que faisaient les professeurs, puisqu’en augmentant son pouvoirs, ils prenaient le risque de définitivement perdre sa santé mentale.

    Beaucoup des premières années eurent également la bonne surprise de se voir monter en grade, parmi lesquels Marianne, Ambre, Elina et Aria. 

    La soirée se clôtura par un grand repas, que le groupe d’amis choisit de partager ensemble sur une des grandes tables, n’hésitant pas à tordre les plateaux et les couverts dans tous les sens afin que tout le monde ait une place.

    Cette soirée resterait sans doute pour eux un excellent souvenir, et leur permit d’oublier un peu la quantité de malheur qui leur était tombé dessus, et qui les guettait encore dans l’ombre...

     

    ***

     

    Corentin se leva et s'approcha de son calendrier. Aujourd'hui, 14 février. C'était la St Valentin et les codes de la journée voulaient plutôt qu’il parvienne à se montrer aimable.

    La journée allait être longue.

    Un coup d’oeil à son emploi du temps l’informa du pire. Neuf heures de cours non-stop, avec un minuscule pause déjeuner entre son cours de tir et son rendez-vous avec Faye pour expliquer comment il avait réussi à arracher une porte simplement en essayant de l’ouvrir.

    La journée allait être TRES longue. 

    De l'autre côté de l'internat, Amandine avalait son troisième doliprane. Elle avait cauchemardé cette nuit. Deux fois. Et elle l'avait revu. Cette ombre. Elle jeta un regard à son réveil. Elle avait rendez-vous avec son professeur responsable aujourd'hui et elle était en retard. Elle prit son téléphone et envoya un texto à Etienne pour lui demander de prévenir l’administration. 

    Ce dernier ne tarda pas à le faire. Il était dans la cafétéria avec Faye et Kalian. Ces deux dernières étaient en train de converser à propos d’un projet innovant qui était en train de se mettre en place au lycée. En effet, les élèves allaient bientôt recevoir des tablettes pour optimiser leur efficacité d’apprentissage et de maîtrise de leurs facultés. Ce jour-ci, un élève d’un autre lycée similaire au LP2I était venu voir comment tout cela se passait. Il avait été choisi en raison de ses compétences d’adaptation. Matthieu avait pour pouvoir d’analyser un comportement et de le reproduire à la perfection. Il pouvait se fondre dans la masse sans problème et ainsi donner un avis extérieur sur la manière dont on enseignait. C’était un ancien camarade à Faye, il c’était donc naturellement joint à la conversation. Eileen arriva en courant dans la cafétéria en lançant des confettis partout : 

    - Bonne St Valentin les choupy !

    Les trois autres levèrent la tête : 

    - Ouais, salut. 

    - Ça va pas ? Vous voulez un câlin ? 

    - Ça irait mieux si tout le monde ne fêtait pas cette fête ! 

    Et ils se replongèrent immédiatement dans leur conversation. 

    Aria arriva alors dans la cafétéria, elle sortait d’un cours de lévitation qui l’avait particulièrement épuisé. 

    - Yep’. 

    - Yep. 

    - Alors ce cours ? Demanda Faye. 

    - Agaçant, je crois que c’est le mot. J’ai passé trois heures a tenté de soulever des caisses en bois. On avait beau m’expliquer, je ne comprenais pas grand-chose. Tiens salut Etienne ! 

    Ce dernier leva la main en signe de salutation avant de s’asseoir sur une grande chaise pour rejoindre la conversation. C’est alors qu’arriva Arthur qui, lui, semblait en pleine forme. Il posa ses affaires et déclara qu’il devait passer à la vie scolaire. Amandine entra à son tour. 

    - Oui ! c’est le défilé ! Chantonna Eileen en lançant, à nouveau, des confettis partout. Je vais pouvoir faire des câlins à tout le monde ! 

    - Eileen ? 

    - Faye ? 

    - Pourras-tu, s’il te plait arrêter ce solipsisme pathogène pour que la jonction neuromusculaire ecclésiastique des membres nucléaires ne reste pas en tant qu’antithèse ontologique prolixe d’oxymore ? 

    Eileen rangea ses confettis et s’assit sagement. 

    - Ça va ? S’enquit la jeune fille en rose quand elle vit la mine déconfite de la rêveuse. 

    - Pas trop non. 

    - Raconte-moi tout. Sourit Eileen en ouvrant ses bras pour lui faire un câlin.

    -J’ai revu l’ombre dans un de mes rêves, chuchota Amandine. Ça m’ennuie, je ne comprend pas pourquoi je la vois...

    La jeune fille la serra dans ses bras pour la réconforter.

    - J’ai ramené de quoi vous remonter le moral ! sourit Lucas qui venait d’arriver avec son ordinateur et un sac de nourriture. 

    - Cool ! 

    Arthur arriva alors essoufflé. 

    - Qu’est-ce qui t’es arrivé ? Demanda Kalian. 

    - Eh bien ils m’ont fait courir dans tout le lycée et je suis complètement crevé. Saleté d’administration ! 

    - Bah tiens, Lulu a ramené de la grenadine. Tournée générale ! 

    La phrase fut soldée par un « ouais » collectif. Kalian tendit alors un verre à Arthur qui fut à nouveau appelé à la vie scolaire. Ce dernier s’y rendit en pestant. Ce goûter remit d’aplomb tout le petit groupe. Une sonnerie retentit alors et il fallut aller en cours. Lucas fut à son tour appelé à la vie scolaire. 

    - Ce n’est pas possible ! Ils ont décidé de faire un congrès ou quoi ! 

    - Vas-y ! sourit Aria. Je débarrasserai pour toi ! 

    - Merci bien ! 

    Les autres étant partis, Aria mit les affaires dans son sac et en sortit un carnet pour commencer à dessiner.

    Au retour de Lucas, accompagné de Faye, une demi-heure plus tard, elle lui rendit ses affaires, et s'éclipsa à son tour.

     

    Faye et Lucas se retrouvèrent donc tous deux seuls dans un cafet’ déserte et silencieuse. La vie au lycée semblait devenir plus compliquée, moins joyeuse. Les discutions ne se portaient plus que sur les disparitions mystérieuses de Mathilde, Ginger, et beaucoup d’autres encore. Le rythme avait l’air de s'accélérer. Les témoins, eux rapportaient toujours la même histoire. La victime qui montait dans l’ascenseur, puis le voyant qui indiquait «-3» alors que nul étage ne portait ce nom dans le lycée. Et les témoins se faisaient plus rares, et semblaient même être le cible privilégiée de ces meurtres.

    -Ce n'est pas normal se qui se passe... Tu ne crois pas ? Déclara Lucas d'un ton inquiet.

    - Oui, je suis bien d'accord c'est trop calme ici.

    - L'ambiance du lycée a bien changé

    - Depuis la fin de la cérémonie des passages en cercle, les profs sont bizarres... Comme s’ils étaient méfiants.

    - Je pense que ça remonte à bien plus longtemps si tu vois ce que je veux dire... Mais disons que les profs sont plus soucieux et ça se diffuse sur l'humeur des élèves.

    - Tu penses qu'ils savent un truc?

    -Je ne sais pas. Mais toutes ces disparitions, ça doit rester en travers de la gorge...

    - Tient en parlant de ça, quand je suis allée en salle des profs, j'ai entendu la vie sco parler de Mathilde... fit Faye en baissant d’un ton.

    - Et qu'est-ce qu'ils ont dit, raconte !

    -Bien j'en suis pas sûre, mais je crois qu'ils ont retrouvé son portable dans l'ascenseur... Le lendemain de sa disparition.

    -Ça collerait avec tous les témoignages qui parlent du moins trois...

    -Cet étage n’existe pas ! J’ai déjà vérifié tous les boutons de cet ascenseur ! Il n’y a même pas de sous sol !

    -D’ailleurs, tu avais remarqué que l’ascenseur avait été changé entre l’année dernière et cette année ?

    -Tiens, non, c’est vrai ça... Attend, je voudrais vérifier un truc...

     

    A ces mot Lucas se leva pour se diriger vers le deuxième étage avec sa housse d'ordinateur en main. Faye le suivit et ils arrivèrent devant une salle informatique où Lucas déballa son matériel.

    - Qu'est-ce que tu fais là?

    -C'est ici qu'il y a le meilleur réseau, et surtout, c’est ici que je peux le piquer aux autres pour avoir la meilleure puissance. Je vais me connecter directement sur les ordinateurs de l’administration pour jouer avec l'ascenseur!

    - C'est pas un peu risqué de fouiner directement dans tout ça ?

    - Mais non, tu sais bien qu'à cette heure là, il n’y a personne, ils sont tous en train de manger...

    Il commença à taper à une vitesse fulgurante tandis que Faye s'était assise non loin de là attendant un signe.

    - C'est bizarre, je n'arrive pas à trouver ce que je veux...

    - Ce qui veut dire ? tenta Faye.

    - Ça veut dire en clair que c'est pas le serveur de l’administration qui le contrôle mais un logiciel extérieur, installé sur l’un de ces ordinateurs...

    - Ah et ça complique la chose?

    - Un peu. Mais un petit geek en sucre triomphe de toutes les situations...

    - Heu, Lucas tu vas bien?

    - Oui pourquoi?

    - Je croyais que tu haïssais ce surnom ?

    Lucas ne répondit que par une légère grimace, pour ensuite continuer son travail.

    -Bon la source doit forcément passer pour être redirigée ici puisque c'est là que le réseau est le meilleur...

    Il regarda aux alentours, avant de replonger le nez dans son écran.

    -J'ai j'ai... j'ai trouvé!! C'était un logiciel caché, pas vraiment compliqué à détourner comme problème ! Il se trouve... Sur l’ordi d’une salle qui s’appelle ici «PL»

    Faye blêmit.

    -C’est mon bureau ! Je trouvais ça amusant de lui donner le nom de «pingouin lunatique». Rien qu’en le lisant, les gens ont pas envie d’entrer...

    -T’as trouvé ça toute seule ? rit Lucas.

    -Même pas ! Je sais même plus qui m’a donné l’idée... Elle doit être venue comme ça, dans un délire, et j’ai trouvé ça marrant... mais...

    -Oui ?

    -Ça ne dit pas ce que ce programme fait sur mon ordinateur, je ne m’en sert pas. Je ne savais même pas qu’il y était. Et si c’est un programme caché, comme tu l’as trouvé ?

    - Comme pour les dossier cachés.

    - Ça m'aide, merci, renchérit une Faye blasée.

    Lucas ne lui répondit même pas, celui-ci était trop concentré.

    -Bon, voilà je suis en train de le pirater pour en prendre le contrôle. Il s’appelle... «UME»

    -Ça me dit quelque chose... Tu as les significations des lettres séparées ?

    -Non, ce n’est pas indiqué. Peut-être quelque part dans le fichier, quand je l’aurais ouvert.

    -Ça n’a pas d’importance.

    -Ça y, est ça fonctionne. Je contrôle l’ascenseur.

    -Montre !

    Le programme était d’apparence simplissime, et il semblait conçu pour des élèves de maternelle. Outre les deux boutons d’ouverture et de fermeture des portes, on trouvait ceux des étages. Pratiquement aucune autre option.

    -Il y a bien un «-3» déclara Lucas sur un ton sombre. Cet étage n’est donc pas une légende. Je ne sais pas comment la personne qui y envoie les gens les uns après les autres a accès à ce programme, ni ce qu’on trouve à cet étage, mais ça m’inquiète... Surtout qu’Eileen voir revenir les fantômes !

    Faye resta sans voix, troublée. Lucas la tira de ses pensées.

    -Je vais avoir besoin de toi maintenant.

    - Ah et en quoi?

    - Tu vas monter dedans. Tu ne cours aucun risque, maintenant que j’en ai le contrôle.

    - Mais t'es malade !

    - Alors trouve quelqu’un pour y aller à ta place. J’ai besoin de faire des tests.

    Lucas fouilla dans sa housse et lui tendit deux talkie-walkie avant de prendre à nouveau la parole:

    - Tiens, pour rester en contact avec ton cobaye.

    - Merci et toi?

    - J'en ai un, t'inquiètes dit-il en lui montrant un nouveau sortit de la housse

    - Ok on fait comme ça, je te contacte quand c'est bon...

    Faye descendit dans l’arc. Elle avait déjà une idée bien particulière de celle à qui elle allait s’adresser, et de fait, n’eut aucun mal de convaincre Chiara, une des amies de Mathilde, de partir à la recherche de son amie disparue.

    - Merci, Chiara. Je garde le contact radio avec toi, tu peux aller devant l’ascenseur.

    En arrivant devant le bloc de métal gris Faye reprit la parole :

    - Tout ce que tu as faire c'est de rentrer dedans et de nous dire se que tu verras en arrivant, ok?

    Elle acquiesça d'un signe de tête tandis que l'autre prit le talkie-walkie avant de prononcer un «  c'est ok ». A ce moment là la machine en métal s'ouvrit et Chiara monta à l'intérieur.

    - Ne t'inquiètes pas, Lucas gère, dit-elle en lui souriant.

    Chiara, hésitante, laissa les portes se refermer.

    - Lucas tu fais quoi maintenant ?

    - Je vais la balader avant un peu pour voir si j'ai bien le contrôle... Elle va monter au quatrième, puis redescendre au deuxième. Ensuite, on verra pour le moins trois. S’il se passe quoi que ce soit, je la remonterais illico.

    -Ok.

    Faye restait plantée devant l'ascenseur, attendant un message de son aventurière.

    -Chiara tu m'entends ? C'est Lucas. Je vais te faire monter au 4ème puis au 2ème et après au -3,ok? 

    La connexion de son talkie-walkie se dégradant de plus en plus, Faye joua un peu avec le bouton, espérant faire revenir un son de meilleure qualité.

    À sa grande surprise, elle entendit une autre voix se dessiner dans le haut parleur :

    -Night ! frchwt... quel est l’idiot qui pirate zzzzwfhrct ... vite ! Frchhhwcht ! Faye ? Faye ?

    La voix de Lucas, de nouveau.

    -Ouais ?

    -Tu étais sur la mauvaise fréquence. Je t’ai remise sur la bonne à distance. Tu nous entends ?

    -Oui.

    -Et toi, Chiara ?

    -Aussi. Faites vite, je n’aime pas trop ça.

    Chiara sentit que l'ascenseur se soulevait et son cœur battait de plus en plus vite. Elle laissa échapper un soupir soulagé quand elle vit que le voyant indiquait bien le quatrième étage. Il n'y avait sûrement aucune raison de s'inquiéter. La jeune fille avait déjà entendu quelques exploits qu'avait accompli Lucas, elle pouvait avoir confiance en lui. Elle souffla un bon coup avant de se détendre légèrement. La machine se remit en marche, doucement.

    Faye ,quand à elle, regardait défiler les étages, confiante. Pour sa plus grande surprise, la machine ne s’arrêta pas au deuxième étage, et au contraire sembla accélérer. Le bloc de métal ne s'arrêta pas à cet étage, et cessa tout simplement d’afficher l’étage. Le coeur de Faye manqua un battement. C’était toujours ce qu’il se produisait avant que le voyant ne remette, en rouge «-3». Ella colla le haut-parleur sur son oreille.

    -Lucas, tu as changé d’avis ? Tu sais où tu l’envoies, là ?

    Un silence de quelques secondes lui répondit, avant qu’elle n’entende très clairement une voix féminine :

    -Il s’est enfui ! je rêve !

    Nouveau silence, puis la voix repris, parlant visiblement à quelqu’un :

    -Plume, j’ai trouvé. Le type s’est enfui. Mais le... problème est réglé.

    Une voix féminine, jeune, première année, sans doute, que Faye était certaine de connaître, sans pouvoir mettre un nom dessus.

    - Lucas... Lucas ! Reprenait sans cesse Faye.

    Son pouls s'accélérait, la laissant presque essoufflée à force de crier.

    -Chiara... Tu m'entends, tu vois quoi? Chiara ? Chiara !

    Mais aucunes réponses ne lui parvint. Le cœur de Faye se ressaierait. Elle était affolée, la jeune fille savait avoir perdu le contact avec les deux dorénavant... Comment et pourquoi? la situation lui échappait totalement, alors que quelques minutes auparavant, avec Lucas, elle avait la sensation d’en avoir le parfait contrôle. La jeune fille se ressaisit et courut vers la salle occupée par Lucas. Cette drenière était vide, et même son ordinateur avait disparu.

    -Non... non! Des larmes coulèrent de ses joues avant qu’elle ne se laisse tomber à genoux

    -Qu'est-ce qui se passe ici! Pourquoi? Pourquoi Lucas... pas lui !

    La jeune fille se redressa difficilement, les yeux brouillés par de nombreuse larmes.

    Elle ne pouvait même pas s’expliquer ce qui c'était produit. La jeune fille redescendit mollement rejoignant alors ses amis pour leurs annoncer la triste nouvelle, une de plus, et cette fois elle était la seule témoin et serait la seule à pouvoir raconter ce récit. Cette épreuve était trop dure, pourquoi toujours elle? À bout de forces elle s'assit sur une chaise de la cafet près du reste de ses amis présents.

    Il y avait Mary, Elina et Ambre qui en voyant la mine déconfite de leur amie, tentèrent de la réconforter, et de savoir ce qu’il avait pu se passer. Faye ne répondit pas d'un coup mais prit un grand souffle avant de se lancer dans un long récit. Des larmes apparaissaient à petit feu sur le visage de chacune d'elles. L'histoire achevée, Mary se leva, laissant aux autres le soin de s'apitoyer sur le sort de Lucas. Elle allait prendre les choses en main, et enfin apporter à Kalian les informations qu’il lui fallait. Mary frotta ses yeux fatigués en arrivant devant la salle. Elle était fermée à clé, plus qui était plutôt étrange. bizarre Elle l'ouvrit sans la moindre difficulté et inspecta les lieux, quand sont regard se posa sur un bracelet se trouvant par terre, qui avait sans doute échappé à l’examen d’une Faye boulversée. La jeune fille s'accroupit et tendit le bras pour prendre en main l'objet. Elle le regarda dans tout les sens avant de comprendre à qui il appartenait.

    - Il est à Elina... non c'est pas possible!

    La jeune fille n'en croyait pas ses yeux mais la preuve l'obligeait à y penser. 

    - Je dois les protéger pour ne pas qu'ils finissent tous comme Lucas !

    A ces mots elle renifla et une nouvelle larme fit sont apparition. Elle gronda pour elle-même

    • Et cette fois, je n’aurais pas besoin de Kalian pour faire payer ça à cette traîtresse...

     

    ***

     

    Quelques jours plus tard tout le lycée était alors au courant de la disparition de deux nouveaux élèves et aucunes traces ni d'éventuels indices ne faisaient leur apparition. Étienne et Arthur parlaient de cet incident tragique :

    - Tu crois que Faye s’en sortira ? La pauvre … soupira Arthur

    - Je l'espère... J'ai du mal à réaliser que le lycée soit devenu comme ça

    - Je pense que l'on devrait fuir...

    - C'est impossible, et je pense que maintenant on peut être prit en chasse par le lycée mais aussi le meurtrier. J'ai en plus la fâcheuse impression d'être toujours suivi...

    A ce moment un étrange bruit se fit entendre derrière eux, et par réflexe les deux jeunes gens se mirent à courir de toutes leurs forces. Ils s'arrêtèrent quelques minutes après, complètement essoufflés de leurs course folle. Il glissèrent contre le mur et s'affalèrent par terre au milieu d'un couloir. Arthur sortit de sa poche des carambars qu'ils proposa à son ami qui accepta.

    - J'en ai besoin là, y a trop de pression

    - je suis d'accord avec toi fit le frisé.

    - C'est quel goût que tu préfères?

    • Je sais pas je les aimes tous ! Une préférence, toi ?
    • Je n’aime que les citrons, avoua le jeune homme en piochant dans le sac.
    • Tu crois qu’on a bien fait de courir, demanda Étienne en jetant des regards à droite et à gauche.
    • Cette histoire va nous rendre fous. À tous les coups, on va finir par avoir peur de notre ombre...

    -Il y avait sans doute personne.

     

    Pourtant, de l’autre côté de couloir, une ombre s’éloignait, un sourire aux lèvres.

     

    ***

     

    Aussi étonnant que cela puisse l'être, la cafétéria était vide. Ou presque. Seul Étienne s'y trouvait, installé en tailleur sur une des chaises larges. Coudes sur les genoux, front posé sur ses mains liées, ses cheveux masquaient son visage. Quiconque l'aurait vu ainsi aurait pensé qu'il dormait. Mais il n'en était rien. Étienne était en train de réfléchir aux récents événements. Ces accidents, ces disparitions … quelle pouvait bien en être l'origine ? Le plus intriguant étant sans doute l'accident au cours duquel Chiara et Lucas avaient disparu …

    Quoique … Lucas n'avait pas vraiment disparu. Étienne en était certain. La veille, il avait reçu un mail, codé, d'expéditeur inconnu. Le code, il l'avait immédiatement reconnu comme celui que son ami s'était un jour amusé à inventer et à lui expliquer. Il n'avait eu aucun mal à reconnaître les différents éléments du code et à le déchiffrer, grâce à la capacité de rétention qui était la sienne depuis son entrée dans le lycée. Le mail, non signé (très probablement par mesure de sécurité), indiquait que Lucas avait frôlé la mort et se trouvait actuellement quelque part dans les faux-plafonds du lycée, en espérant pouvoir compter sur Étienne pour lui apporter l'aide dont il aurait besoin. L'intéressé avait aussitôt répondu selon un processus indiqué dans le mail, en utilisant le même code. Il était désormais en attente de nouvelles.

    Les autres n'étaient pas encore au courant de la survie de Lucas. Étienne ne savait pas s'il était prudent de l'annoncer à tous. Le jeune informaticien avait été menacé par une personne du lycée, quelqu'un qui semblait informé de la manœuvre qu'il tentait à ce moment. Il y avait donc fort à parier que cette personne se trouvait dans un entourage relativement proche … 

    Peut-être même juste à côté...

     

    ***

     

    dans la salle d’à côté justement, Faye et Corentin, installés devant un ordinateur du CRD, naviguaient sur l’ENT. Ou, plus justement, tentaient de s'infiltrer dans les dossiers cachés de du site.

     

    - Raaah ! Il m'énerve ce PC ! Pourquoi il nous laisse pas faire !

    - Du calme Corentin, du calme ! C'est pas en s'énervant que le problème va se résoudre. De plus, si tu pouvais éviter de faire autant de bruit, je te rappelle que ce que nous sommes en train de faire n'est pas ce qu'il y a de plus légal …

    - C'est vrai, mais quand même ! Quand on voit Lucas, on jurerait que c'est facile. Et en plus, ça rame pas avec lui !

    - Oui, mais … Lucas n'est plus là … répondit Faye, qui se tenait toujours pour responsable de la disparition de leur ami.

     

    Ils se turent tout les deux. L’un autant que l’autre auraient voulu croire à sa survie, mais les chances paraissaient nulles.

    La page acheva alors son chargement, et le résultat fit lentement virer Corentin au rouge. Dans un accès de colère, le guerrier voulu enfoncer son poing dans l'écran de l'ordinateur, qui affichait pour la énième fois le message d’erreur « Access Unauthorized ». Faye parvint tout juste à dévier le coup de son ami.

     

    - C'est bon, inutile de s'énerver contre l'ordinateur … bredouilla-t-elle. On va réessayer.

     

    *

     

    - Hum …

     

    Ça n'allait pas. Faye et Corentin n'arriveraient à rien comme ça. Il fallait les aider. Mais … Il hésita. Aider ses amis, c'était peut-être avancer dans l'enquête, mais c'était surtout prendre le risque de se faire repérer et de se faire tuer. D'autant plus qu'il ne savait pas qui en avait après lui en ce moment même. Cela valait-il vraiment le coup ? Il hésita. Mais un événement inattendu le décida : une alerte venait de s'afficher sur l'écran de l'ordinateur qui lui faisait face. Ses amis étaient pistés. Aussitôt, il porta ses mains à son clavier.

     

    *

     

    Faye sursauta.

     

    - Corentin … regarde !

     

    Le jeune guerrier releva la tête vers l'écran. Soudainement, les pages s'étaient mises à défiler à une vitesse déconcertante. Les fenêtres se multipliaient tandis que des lignes de codes défilaient par centaines dans une fenêtre noire.

     

    - Que … Qu'est-ce qui se passe ? questionna Corentin, stupéfait.

    - Euh … Joker !

     

    Les deux amis regardaient l'écran, assistant sans comprendre le spectacle qui s'offrait à eux. Quelques dizaines de secondes passèrent. Finalement, le tumulte de l'écran se calma. Il ne restait qu'une seule fenêtre, demandant la saisie d'un mot de passe.

     

    *

     

    Satisfait, il se redressa. Il faudrait encore quelques secondes à son programme pour trouver le mot de passe. Jetant un rapide coup d’œil sur son système de surveillance, il vit que sa présence n'avait pas encore été détectée par qui que ce soit sur le réseau. En revanche … Le pisteur repéré précédemment progressait. Il aurait repéré et identifié l'ordinateur et la session qui l’utilisait, celle de Corentin, d'ici peu.

    Il hésita … Intervenir pour gêner l'adversaire signifiait indiquer sa présence, et donc prendre un risque supplémentaire. Mais il avait déjà pris des risques. Et laisser cet individu découvrir ses amis sous-entendait fortement leur mort, et réduirait à néant les risques qu'il avait déjà pris. Aussi se décida-t-il vite.

    Il installa quelques firewall comme protection pour l'ordinateur ciblé, et déconnecta son adversaire du réseau. Celui-ci se reconnecta aussitôt. Il retenta l'opération. Celle-ci échoua, comme il s'y attendait. Peu importe, c'était déjà du temps de gagné. L'opposant devait recommencer toute sa manipulation, et les firewall, bien qu'éphémères face à un tel adversaire, allaient permettre de gagner quelques précieuses secondes.

    Il retourna sur le programme qui cherchait le mot de passe. Celui-ci avait fini sa recherche, et le mot de passe s'affichait désormais en vert au milieu de la fenêtre.

     

    Lucas, surpris, ouvrit des yeux rond devant ce que son programme venait de trouver.

    Le mot de passe d’accès aux fichiers cachés du réseaux, ceux auxquels même les élèves les plus haut placé de l’administration n’avaient pas accès...

    Le programme était pourtant formel.

    Et le mot de passe n’était autre que «pingouin».

     

    *

     

    - Euh … Tu connais le mot de passe ? demanda Corentin, brisant la stupéfaction ambiante.

    - Non, j'en ai aucune idée, répondit Faye. Ça m'étonnerais que ce soit un des mots de passe basiques utilisés un peu partout sur l'ENT. et c’est jamais à moi qu’on fait part de ce genre de choses...

     

    Le champ de saisie se remplit alors par lui-même, affichant à la place des lettres les traditionnelles petites étoiles. À l'image des opérations qui avaient précédé l'apparition de la page, un bruit de confirmation retentit et plusieurs fenêtres révélant ce qui ressemblait à des dossiers confidentiels apparurent à l'écran, avant de devenir autant de fenêtres de téléchargement.

     

    • Huit caractères. Ça te dit vraiment rien, Faye ?
    • Non. Jamais eu accès à cette partie là du site....

     

    *

     

    Il ne lui restait maintenant plus qu'à extraire tous ces dossiers du réseau. Le téléchargement était amorcé, et les fichiers seraient bientôt sur la clé de Faye, connectée au PC. Cependant, ce n'était pas encore fini. Le pisteur progressait, et s'il ne se dépêchait pas, ses amis seraient bientôt découvert. Et lui aussi par la même occasion. En effet, l'adversaire avait également entamé l'identification de son ordinateur. Il concentra les débits de téléchargement vers l'ordinateur de ses amis. Il ne restait plus que quelques secondes …

     

    *

     

    - C'est ce qu'on cherchait ? demanda le guerrier

    - Je crois bien, oui. Dis, t'as déjà vu un téléchargement aussi rapide sur le réseau du lycée ?

    - Non, jamais.

     

    *

     

    Il arracha le câble réseau relié à son ordinateur. C'était fini. Dès lors que le téléchargement avait pris fin, il avait déconnecté le PC de ses amis du réseau, les mettant en sécurité, avant de lui-même se déconnecter. Il lâcha un grand soupir de soulagement, le sourire au lèvres. Le premier depuis plusieurs jours. Il avait réussi. Et il était certain d'avoir fait le bon choix.

    Il commença à ranger ses affaires. Bien qu'il ait réussi son opération, il n'était pas tout à fait certain d'avoir pu masquer sa position jusqu'au bout. Par sécurité, il fallait donc qu'il bouge. En partant, il espéra que le message qu'il s'était permit d'envoyer avant d'arracher le câble était arrivé à destination.

    Il commença à se mouvoir dans le faible espace séparant les planches de bois du vrais plafond, entre les câbles électrique et les conduits d’aération. Indifférents, les élèves continuaient de défiler dans le couloir en dessous, sans même se douter de sa présence.

    On ne le trouverait pas ici.

     

    *

     

    L'écran ne présentait désormais plus que le bureau de l'ordinateur. Seul trônait au milieu une fenêtre du bloc-note.

     

    - « Tous les dossiers ont été téléchargés dans la clé de Faye. J'espère vous avoir été utiles. Je pense avoir fait le bon choix. », lu doucement Faye.

    - Tu … Tu penses que c'est lui ? Qu'il est encore quelque part, en vie ? questionna Corentin

    - J'ai du mal à y croire, mais … Je ne vois que ça, répondit la négociatrice.

    - Bon bah, en attendant, on a plus qu'à éplucher tout ça.

     

    ***

     

    Plusieurs jours passèrent sans nouvelles. Le climat était plutôt à la méfiance, et les amis se rendaient compte qu’à leur grande horreur qu’il ne se confiaient plus grand choses. les maigres enquêtes commencées ici et là piétinaient. Arthur, sortant de cours, entra dans la cafèt', où se trouvaient déjà Eileen, Étienne et Mary, installés autour d'une table sur laquelle trônait un paquet de friandises.

     

    - Mmmh, j'ai bien dormi, déclara Arthur. Franchement, ils pourraient pas les faire un poil plus intéressants leurs cours de langages codés ? J'me sens comme un zombie à chaque fois que j'en sors !

    - Non, c'est pas vrai ! Les zombies, ils sont encore plus mous que toi ! déclara Eileen.

    - Ah ? Qu'est-ce qui te fait dire ça ? questionna l'endormi.

    - C'est Jean-Paul ! Lui, c'est un zombie tout rose tout gentil, et il est mou comme de la guimauve.

    - Ah, oui bien sûr … J'aurais dû m'en douter. Bref, du neuf dans le coin ?

    - Pas vraiment … répondit Mary.

    - Carambar ? proposa Étienne.

    - Merci, dit Arthur, prenant une des friandises, goût citron. Vous avez encore combien d'heures de libres après ?

    - J'ai toute ma matinée, moi, fit le frisé.

    - J'ai rendez-vous avec Louis et Corine pour boire le thé, juste à coté, continua Eileen

    • Je vais bientôt devoir y aller pour ma part … annonça Mary. je vais... non rien.

    la jeune fille avait encore des renseignements à trouver sur Élina avant d’être certaine de ce qu’elle avançait. mais pas question de s’en ouvrir aux autres. Ce serait sa gloire à elle, et pour une fois, elle ne passerait pas au second plan !

    - T'as le temps pour un petit Président ?

    - Euh … oui, je pense.

    - Parfait ! Étienne, ça te dit ?

    - Allons-y … répondit l'intéressé.

    - Eileen ?

    - Elle est déjà à la table d'à coté …

    - Bon, bah, ce sera sans elle.

     

    Arthur sortit un jeu de carte de sa poche, toussa un coup, et distribua les cartes.

     

    - Je commence ! Trois ! clama Arthur.

    - Tu passes Étienne, continua Mary en ajoutant une carte sur la table.

    - Dès le début, quoi ! se plaignit le frisé.

    - C'est le jeu, toussa Arthur, posant sa carte suivante.

     

    La partie suivit son cours, avec un Étienne dépité à cause des innombrables tours qu'il passait, une Mary souriant du désespoir qu'elle causait chez le précédent, et un Arthur dont la toux s'intensifiait. À la fin de la partie, celui-ci, en pleine quinte de toux, s'exclama :

     

    - Keuf … Préz' !

    - Neutre ! enchaîna Mary.

    - J’en ai marre … termina Étienne.

     

    Arthur se leva alors, prit d'une quinte interminable. Inquiets pour leur ami, Mary et Étienne se levèrent à leur tour.

     

    - Arthur … t'es sûr que tu devrais pas aller à l'infirmerie ? demanda la première.

     

    Celui-ci ne s'arrêtait plus de tousser. C'est alors qu'Étienne vit les tâches rouges qu'Arthur laissait par terre. En le regardant de plus près, il s'aperçut que sa bouche et la main qu'il tenait devant étaient couverts de sang.

     

    - Oh ! … Mary ! Aide-moi à l'emmener à l'infirmerie ! Vite ! demanda le frisé, en urgence.

     

    Aussitôt, les deux se saisirent d'Arthur et l’entraînèrent vers l'infirmerie. Sa toux ne cessait plus. Alors qu'ils arrivaient en haut de l'escalier qui devait les mener au rez-de-chaussée, celui-ci s'effondra. Pris de spasmes, il continuait de tousser, répandant son sang devant lui. Soudain, il se figea. Mary et Étienne n'eurent pas besoin d'explications supplémentaires pour comprendre. C'est ce moment qu'Eileen revint vers eux.

     

    - Ho ! Mais il lui est arrivé quoi à Arthur ?

     

    Mary et Étienne se retournèrent brusquement vers elle. Ils avaient beau connaître Eileen, c'était toujours difficile de ne rien dire face aux réaction de l'adolescente dans ce genre de situation. Car Arthur était bel et bien mort.

    Empoisonné.

    Et depuis les faux-plafonds, Lucas avait parfaitement vu qui avait offert ce carambar à Arthur.

    Une fois tout le monde parti, Lucas quitta prudemment son perchoir. À cette heure-ci, la majorité des élèves étaient en cours. Il lui avait fallu deux jours pour trouver un moment propice. Ce n’était pas le moment de faire marche arrière.

    Il tremblait un peu. Il était sur le point de remettre sa vie, et celle des autres, par la même occasion, entre les mains d’une seule personne. Mais il avait découvert trop de choses. S’il les gardait pour lui, il risquait de voir ses compagnons s’éteindre les uns après les autres. Il était temps de prendre de vitesse celui qui s’amusait à jouer avec leurs nerfs !

    Son choix avait été mûrement réfléchi. Deux nuits blanches, au total. Un par un, il avait fait défiler devant ses yeux chacun de ses compagnons, énumérant leurs qualités et leurs défauts. La semaine précédente, il aurait été voir Étienne sans la moindre hésitation, mais après ce qu’il s’était passé avec Arthur... Comment savoir ?

    Non, il ne pouvait plus.

    Il fit quelques pas dans le couloir, hésitant. S’il voulait changer d’avis, c’était maintenant. Après il serait trop tard.

     

    « Lucas ? C’est toi ? »

     

    Lucas inspira un grand coup. Plus de temps pour les doutes.

     

    « Oui. Écoute, je n’ai pas beaucoup de temps... 

    -On te croyait mort ! Où étais-tu ?

    -Je me suis caché. Dans les faux-plafonds. Je suis venu te dire ce que je sais !

    -Qu’est-ce que tu sais ? »

     

    La voix qui lui faisait face était devenue méfiante.

     

    « En fait... Pour Arthur. Tu sais que c’est Étienne qui lui a donné les carambars ? Et pourtant, ils n’étaient pas tous empoisonnés, tout le monde en a pris ! Avant-hier, j’ai entendu Étienne et Arthur parler dans les couloirs. Arthur lui a dit qu’il adorait les citrons !

    -Oui, c’est étrange... J’irais parler à Étienne...

    -Et ce n’est pas le pire ! »

     

    Lucas jetait des regards inquiets autour de lui. Les couloirs étaient toujours déserts. Contre toute attente, l’autre lui prit la main.

     

    « Pas ici. »

     

    Tiré dans une salle adjacente, Lucas poursuivit.

     

    « J’ai été trahi !

    -Pardon ?

    -Quand j’étais dans la salle, en train de pirater l’ascenseur. Je n’étais pas seul, quelqu’un m’a rejoint. Et il a tenté de me tuer.

    -Qui ça ? lui demanda l’autre, un sourire doucereux sur les lèvres. »

     

    Lucas comprit en croisant son regard que quelque chose clochait.

     

    « Ça ne va pas ?

    -Oh si, tout va merveilleusement bien...

    -En réalité, je pense que ce n’est pas cette personne qui commande tout ça. Il faudrait que tu cherches qui est le cerveau de cette opération !

    -Je vais chercher, ne t’en fais pas...

    -Tu n’as vraiment pas l’air bien, tu sais ? »

     

    En voyant son interlocuteur tirer un couteau, Lucas comprit à quel point il s’était trompé.

    Tout lui parut clair d’un seul coup. Évident.

    Lucas comprit également qu’il allait mourir.


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