• Amandine restait figée, choquée par ce qu'elle venait de voir, ne sachant qu’en penser. Et cette scène... Il lui semblait que les étranges silhouettes dansaient encore devant ses yeux...

    Cela lui trottait dans la tête sans qu'elle ne parvienne à l'effacer. La jeune fille enleva sa couverture tellement elle étouffait. Ses mains tremblaient et sa respiration était courte et rapide. Elle enfonça à plusieurs reprises sa tête dans son oreiller dans l'espoir d'oublier cette vision... En vain. Pour se calmer, elle prit de longues respirations. Essayant de se changer les idées au moins jusqu'au matin, Amandine prit son téléphone posé sur une table de nuit. Son portable lui servait de montre, de réveil, et de fuseaux horaires par la même occasion. Il était d'ailleurs inscrit "5h50" en lettres phosphorescentes.
    Elle soupira.

    La jeune élève referma les yeux et fit ce que n'importe qui aurait fait après un mauvais rêve : penser à autre chose. Quelque chose de plus gai, par exemple, un rêve dont on espère ne jamais se réveiller. Un sourire se dessina alors sur son visage, provoqué par une pensée comique. Malheureusement, cela ne dura pas longtemps, en tout cas pas assez pour qu'elle puisse s'endormir.

    Habituellement, quand on fait un cauchemar, tout s'arrête au réveil. On retrouve sa chambre, si familière. On finit par oublier après une petite période de stress, entre sommeil et réalité. Mais Amandine savait pertinemment qu'il ne s'agissait pas d'un simple cauchemar.
    Elle était arrivée au LP2I il y a un an. Un an exactement, pratiquement jour pour jour.
    Et, au fil des mois, ses nuits avaient peu à peu pris une tournure étrange. Certains scientifiques appellent cela, avec un air important, des "rêves prémonitoires".

    Un bruit synthétique et continu se fit entendre. Ce bruit, elle le connaissait, il retentissait chaque matin, presque à la même heure. C'était les éboueurs. Elle ré-ouvrit ses yeux bleus et murmura quatre mots pleins de rage :

    - Je-vais-vous-TUER !

    Puis dans un mouvement brusque sa tête se retrouva sous son oreiller, ce qui fit tomber son doudou. C'était certes intriguant pour une fille de 16 ans, mais il l'aidait beaucoup à vaincre la solitude de l'internat. En effet, Amandine, contrairement aux autres, dormait seule. La chute du lapin en peluche la fit réagir tout de suite et elle le reprit dans ses bras, le serrant aussi fort qu'elle le pouvait formant une sorte de mur protecteur autour de ce petit être artificiel.

    - Désolée ! Ça ne se reproduira plus je te le promets !

    L'intervention héroïque des éboueurs et la chute de son doudou avaient desserré l'emprise du cauchemar sur son esprit. Elle reprit en main son portable quelques instants après avoir réinstallé la peluche dans son lit.

    Cette fois-ci on pouvait lire "6h30". Il lui restait vingt minutes pour ESSAYER de se reposer. Elle fit défiler son menu, et en même temps les fuseaux horaires des différents pays. Son regard s'arrêta sur "13h30". La jeune fille réagit gaiement en imaginant ce que faisaient les habitants du pays évoluant sous ce fuseau. :

    - Oh ! Les japonais doivent être en train de manger un truc délicieux !

    Elle reposa son téléphone et croisa les bras tout en faisant attention de ne pas trop écraser son compagnon. Sa tête était vide, vide de toute pensée. Il fallait attendre, c'était tout, puisque dorénavant l'espoir de dormir était mort. Elle observa sa chambre dans sa pénombre. Étant en internat au LP2I , son lycée, la pièce était plutôt spartiate et impersonnelle. Un lit, un bureau, rien d’accroché au mur. La lumière du jour naissant filtrait légèrement, illuminant les contours de ses doubles-rideaux.
    Puis soudain une lumière repoussa l’obscurité de la pièce et une mélodie retentit à l'endroit de son portable. Sa main éteignit l'objet bruyant et elle articula difficilement.

    - HEINNN ?! Déjà ?!

    Nouveau soupir.
    Elle sortit de son lit, traîna péniblement ses pieds jusqu'aux escaliers et les descendit dans le noir complet. Le craquement des marches la rendait encore plus nerveuse. Amandine prit ses vêtements préparés la veille et fila dans la salle de bain. Après avoir souffert quelques instant à cause de la lumière, elle ouvrit la porte des toilettes au maximum, formant ainsi une barrière entre sa chambre et celle des voisines. Ceci dans un seul but, ne pas faire de rencontre gênante avec ces dernières. Elle disposait d'une chambre pour elle seule, autant en profiter pour éviter ce genre de... désagréments. Cela terminé, elle alluma la douche en faisant bien attention de ne pas être arrosée. L'eau mettait deux bonnes minutes avant d'atteindre une température potable. Après s'être déshabillée, elle entra dans la douche à peine tiède. Sous l'eau, son rêve refit surface, la plongeant dans une profonde perplexité.
    Elle y réfléchit un moment mais fut coupée par l'eau qui cessa soudain de couler. Le robinet s'était remit en place, lui coupant l'arrivée du liquide. Elle donna un coup de poing dedans pour l'actionner de nouveau.

    Quand le nettoyage fut terminé, Amandine hasarda une main hors de la cabine pour trouver de quoi s’essuyer. Malheureusement, sa serviette n'avait pas bougé de son porte manteau. Il fallait donc qu'elle sorte de la douche pour la prendre. Ce qui comportait deux risques majeurs :


    1/ Sortir et s'apercevoir que la porte des toilettes avait été refermée entre temps, ce qui pouvait bel et bien provoquer le moment gênant.
    2/ Quoi qu'il arrive, elle allait avoir froid.

     Elle sortit sa tête en premier pour voir si le lieu était sécurisé, puis le reste du corps suivit rapidement, se précipitant dans sa serviette. Cette mésaventure quasi-quotidienne terminée, la première sonnerie retentit dans tout l'internat. La précipitation gagna Amandine, qui enfila ses vêtements en vitesse, sécha ses cheveux et lissa sa mèche le plus vite qu'elle pu. La pratique de l'année précédente lui avait donné une dextérité et une vitesse surprenante. Il n'était donc pas étonnant, alors qu'elle entrait dans sa seconde année au lycée du LPII, que ces gestes soient faits très rapidement. Amandine remonta sur la mezzanine pour prendre ses affaires importantes et pour faire son lit. Ceci fait elle dévala les escaliers, prit son sac et mit son lapin dedans, puis enfila ses chaussures rapidement. Un dernier regard dans la glace pour voir si tout était parfait et elle ouvrit la porte menant au hall. Elle sortit de l'internat, pensant fugitivement que "ses amis" ne l'avaient même pas attendue. En rentrant dans le lycée et en montant les escaliers principaux, elle se demanda si elle devait évoquer sa vision avec eux. La question fut vite réglée

    Elle prit la direction du self la faim au ventre. Il n'était que 7h20 quand elle arriva dans le couloir du self, il n'y avait donc pas de queue pour aller prendre le petit déjeuner. Néanmoins, le réfectoire était déjà bien rempli, seules quelques tables étaient inoccupées.

    Amandine scruta la grande salle et aperçut trois personnes, une fille et deux garçons.
    La fille, le nez dans un amoncellement de cahiers, nourriture et de bloc-notes était habillée de manière assez sombre : une jupe noire et grise, rehaussée de discrets boutons rouges, un pull blanc des plus simples et des collants noirs. Ses cheveux noirs étaient parsemés de discrets reflets violets, sa coloration n’étant plus aussi vive que durant l’été.
    Elle était assise sur une chaise verte qui avait la particularité d’être trop grande pour une seule personne et trop petite pour deux. Amandine était certaine qu’on l’avait spécialement étudiée pour ça. Les deux garçons semblaient prendre part, un croissant à la main à un dialogue passionnant, parfois ponctué par une déclaration de la jeune fille. L’un des deux garçons, juché sur un tabouret haut, portait une chemise à carreaux noirs et bleu du plus bel effet. Il souriait souvent et son visage prenait parfois des expressions étranges, amplifiées par ses cheveux des plus surprenants. Pas dans la couleur, ils étaient d’un banal châtain, mais dans la forme. Le terme « bouclé » ou même « frisé » ne suffisait pas. Ses boucles, semblables à une myriade d’anglaises miniatures, s’entremêlaient de manière purement anarchique, façon laine de mouton. Et encore. Selon lui, c’était pire avant qu’il ne se coiffe. Car oui, il se coiffait. L’autre garçon était d’apparence plus banale. Les cheveux courts, entre le châtain clair et le blond et les yeux verts qu'il clignait d’ailleurs très régulièrement. Amandine avait trouvé ça insupportable au début, puis s’y était habituée. Il portait des lentilles donc il n’y pouvait rien. Il portait un T-shirt de son dernier rassemblement de geek – il participait habituellement à des réunions d’informaticiens de haute volée mais là, c’était le dernier E3 – et un bandeau de sport au poignet. Amandine prit son plateau et choisit son petit déjeuner avant de les rejoindre.

     - Bonjour ... Dit-elle d'une voix fatiguée.
    - Salut, dirent-ils en cœur. 

    Faye leva les yeux en en voyant sa tête lui demanda :

    - Mal dormi ?

    Amandine répondit d'un ton morose : 

    - Assez mal ... surtout sur la fin.
    - Encore un rêve prémonitoire ? » Interrogea Lucas en levant les yeux de son ordinateur de poche posé sur la table.
    - Je crois bien que oui mais je ne sais jamais vraiment et ça peut changer de toute manière ... 

    Tout à coup, un grand fracas retentit dans le self. Une fille affublée de froufrous se tenait debout devant des éclats de verre. Sa figure vira au rouge écarlate et elle bégaya un « zut, désolée ! » d'un air un peu gêné.
    Les trois amis se retournèrent, avant de reprendre leur discussion.
    Faye prit Amandine entre quatre yeux : 

    - Vas-y, raconte ! 

    Elle leur expliqua son rêve, prenant soin de n'omettre aucun détail. Lucas, Faye, et Etienne, écarquillaient les yeux, figés.
    Étienne en profita pour rejoindre le petit groupe : 

    - C'est bien vrai ? Tu as vu cette... personne ? 

    Amandine nia. Elle n'avait vu que des silhouettes, floues et sombres.
    Tous reprirent donc leur petit déjeuner.
    Entre deux bouchées, Faye murmura : 

    - C'était qui cette fille tout à l'heure ?
    - On s'en fout, c'est les premières années, rétorqua Amandine en croquant dans son croissant. Vous trouvez pas qu'ils se sont améliorés ? Reprit-elle en montrant son plateau.

    Lucas, qui n'écoutait que d'une oreille, s'exclama : 

    - Ouais, surtout leurs camemberts!! 
    - N'est-ce pas ? Dit Étienne ironiquement. Comment ruiner toute ta vie sociale en deux minutes : mange du camembert le matin ! 

    Faye pouffa devant ce fait irréfutable.
    Le self s'était rempli entre temps. Ce matin là était moins calme que d'ordinaire, les voix s'entremêlaient, formant un énorme vacarme. 

    - Il y a encore plus de monde cette année... remarqua Lucas
    - Ça fait beaucoup de gens ! On ne s'entend même plus parler ! Se plaignit Amandine. 

    Ils finirent leur petit déjeuner en silence.
    Au bout d'un moment, la jeune fille se leva, salua ses amis et se dirigea vers la sortie. Durant la petite distance entre l’endroit où elle posait son plateau et la table, elle repensa à nouveau à son rêve.
    Elle était certaine qu’il s’agissait d’une prémonition. 

    Amandine traîna les pieds jusqu’à la salle de son cours en ruminant cette pensée. C’était là le quotidien de la deuxième année de faire ce genre de rêve. Elle avait développé cette faculté suite à son entrée au LPII. Voir le futur dans ses rêves.
    Au début, elle n’y avait prêté qu’une légère attention, incertaine de la réalité de la chose. Mais petit à petit, elle avait comprit que c’était là son pouvoir.

    Il n’y a aucun étonnement à avoir face à cet événement. C’était normal au LPII. En vérité, s’en était même le principe. L’établissement apparaît publiquement comme une sorte de dernière chance ou encore de chance tout court pour les élèves. Il assure la formation de ses élèves de A à Z et plus encore.
    Les enfants partaient dans un établissement en pension et en formation complètes, vacances scolaires comprises. Ils y passaient trois ans, quasi coupés du monde, à travailler dans des domaines correspondants à leurs capacités. Quelque part, la réalité n’était pas si différente … 

    Amandine poussa la porte pour entrer dans sa salle de classe. Néanmoins, la pièce ne ressemblait pas vraiment à ce à quoi elle aurait du ressembler. Les rideaux étaient tirés, plongeant la pièce dans la pénombre, gommant les contours du mobilier s’y trouvant. C’était certes légèrement désorientant, mais Amandine le connaissait tellement bien qu’elle n’avait aucun problème avec ce léger détail. Elle se laissa tomber dans un fauteuil face à celui de son professeur. La bandoulière de son sac glissa sur son épaule, laissant choir l’objet au sol. La voix de l’adulte s’éleva : 

    - Bonjour Amandine. Ça va ?
    - Bah … Oui. Comme d’habitude.

    Les yeux de la jeune fille s’habituaient progressivement à la faible luminosité. Elle distinguait maintenant avec clarté le visage si connu de son professeur.
    C’était un homme d’un certain âge aux cheveux blanc. Ses traits étaient marqués, fatigués, mais ses yeux brillaient d’une étrange et puissante lueur. Il lui demanda d’une voix calme et engageante.



    - Tu as rêvé de quelque chose aujourd’hui ?

    Elle réfléchit un instant. Son rêve n’était pas vraiment dans la nature de ceux que le LP2I attendait. C’était là le principal intérêt du lycée envers sa personne.
    Il était construit sur un ancien site nucléaire encore radioactif. Grâce à de nombreuses recherches, l’établissement avait apprit à contrôler le dosage des radiations et ainsi les mutations qu’elles engendraient. Le bâtiment était divisé en plusieurs zones en fonction de la puissance de leurs radiations. Au fur et à mesure de l’irradiation, les « pouvoirs » gagnaient en intensité et en stabilité. La plupart du temps, ils avaient une liaison très forte avec les intérêts ou le vécu des élèves.
    Le lycée, lorsque les radiations avaient poussé le pouvoir à son maximum pour les zones fréquentées, faisait alors un choix. Soit l’élève était considéré comme viable et continuait simplement à s’exercer, soit il passait un « cercle ». Il y en avait en tout neuf, chacun donnant l’accès à des zones plus irradiées de l’établissement. Un enfant confié au lycée passait donc ces cercles jusqu'à avoir atteint la puissance maximum que les radiations pouvaient lui donner. Au-delà, les séquelles pouvaient être graves et n’entraient plus dans le domaine de connaissance de l’établissement. Le passage de cercle était donc soumis à une batterie de tests et d’examens de plus en plus lourds au fur et à mesure de la progression. 

    Amandine, dont les rêves se révélaient particulièrement exacts, passait ses cercles relativement vite. En effet, elle pouvait aussi bien rêver d’un futur président que voir un film avant même l’écriture du scénario. Le problème était que ces rêves subvenaient de façon totalement aléatoire. Le passage quasi accéléré de ses cercles avait pour but de lui permettre de peut-être contrôler le sujet de ses rêves. En à peine deux ans, elle était déjà cercle 4 et allait très rapidement passer cercle 5 au cours de l’année. Elle savait parfaitement que les rêves qu’elle faisait étaient pris particulièrement au sérieux par l’administration. Celui qu’elle venait de faire l’avait troublée, mais il n’était pas aussi net que ses rêves habituels. De plus, elle savait pertinemment que, pour le lycée, il ne présentait aucun intérêt. 

    Elle secoua alors négativement la tête en guise de réponse. L’homme ne sembla pas déçu, ses traits ne renvoyaient rien sauf un calme profond. 

    - D’accord. Nous allons donc reprendre ton apprentissage. 

    Ce que M.Bourgeois comptait lui apprendre, c’était la maîtrise de ses rêves. Malheureusement c’était une tâche difficile et leurs efforts n’étaient que très peu souvent récompensés. Elle passait des heures en méditation ou à faire des exercices mentaux pour lui apprendre à mieux se contrôler de l’intérieur. Cette méthode parallèle était souvent utilisée auprès des élèves dont l’utilisation de la mutation relevait des émotions ou de l’inconscient. D’autres venait par eux même, trouvant dans ce cours un moyen d’apaiser leurs soucis d’adolescent ou de finir leur nuit. 

    C’était donc, aussi étonnant que cela puisse paraître, un des cours les plus suivit du lycée, que ce soit facultativement ou obligatoirement. Amandine rebuta néanmoins à fermer les yeux et à se plonger en elle-même. Le rêve l’avait troublé, elle préférait qu’il ne lui tourne pas en boucle dans la tête. Et toujours, ces mots qui refusaient de disparaître malgré ses efforts pour ne penser à rien.
    Voyant ses difficultés à se vider la tête, M.Bourgeois lui proposa plusieurs exercices de concentration. C’est grâce à l’habilité de son professeur qu’elle réussi à sortir de la classe sans plus y penser. En passant le pas de la porte, elle bouscula un garçon bien plus grand qu’elle. Elle le connaissait de vue, c’était un troisième année qui suivait le cours lui aussi, lors de la session suivante.
    Au moment même où elle le heurtait, son oreille se mit à siffler désagréablement. Elle mit un doigt dedans et lui appliqua un mouvement vif. L’acouphène se dissipa aussitôt. 

    Les cours suivants s’enchaînèrent, plus ou moins intéressants. Amandine avait peu de cours optionnels, le lycée tentant d’optimiser son nombre d’heures de sommeil. Les informations qu’elle en tirait étaient pour la plupart d’une extrême utilité.
    D’autres non. 
    D’où ses heures de sommeils si nombreuses qu’un chat de salon pourrait lui envier sa vie. Plus le temps s’égrenait et plus les choses s’accumulaient derrière elle, moins elle avait envie d’avancer. La Lpiienne n’attendait qu’une chose et ce n’était ni l’heure de déjeuner, ni de retourner se coucher. Lorsque la pause de midi sonna, elle sorti la première de la salle de cours. Elle nota que certains n’avaient pas fait ses efforts pour se maintenir éveillés. Du fond de leur transe, ils réalisaient à peine que le bruit libérateur venait de retentir. 

    Arrivée devant le foyer, faussement baptisé cafétéria alors qu’on ne pouvait y trouver aucune nourriture, elle envoya valdinguer son sac dans les étagères servant de casier.
    Il n’y avait aucun risque de vol ici. Autant le lycée gagnait des sommes faramineuses grâce aux talents de ses pensionnaires, autant ces derniers étaient peur. Dans une structure ou les quelques quatre-cents élèves passaient près de trois ans, avoir la réputation de voleur était une très mauvaise idée. Plutôt que les si connus casiers en métal fermés à clé, les élèves disposaient d’étagères divisées en casier « ouverts ». 

    La cafétéria en elle-même aurait put être une salle de classe. A ceci près qu’on en aurait abattu deux murs et vitré un autre. Une année, un groupe d’élèves s’était donné pour objectif de la décorer. Sur les deux murs gris restants s’étendaient des motifs aux couleurs vives et sur ces dits murs étaient accrochées deux tables en métal et en bois, comme des sortes de comptoirs surmontés par des armatures en fer forgé. C’était les ombres de ces étranges structures aux formes plus qu’aléatoires qu’étaient sensées reprendre les motifs. Certains étaient évidents, d’autres légèrement ambigus et un dernier reprenait la forme d’une structure enlevée.
    Il n’y avait pas non plus de plafond. La salle ne s’arrêtait que sur l’armature de verre et d’acier du bâtiment lui-même, donnant l’impression d’être à ciel ouvert. Pour éviter un effet de loupe relativement invivable, des grands triangles de tissu anciennement blanc se croisaient sur toute la hauteur.

    Mais ce n’était pas cette décoration étrange mais néanmoins intéressante que Amandine brûlait de voir. Elle voulait retrouver son groupe d’amis.
    Assis à une des nombreuses tables en bois peintes aux couleurs marquantes disposées dans le reste de la salle, sur des tabourets plus ou moins hauts et des chaises plus ou moins grandes dans les mêmes tons siégeaient ses amis. Amandine se hâta dans leur direction avant de se planter devant eux et de déclarer tout sourire.

     

     ------------- Partie 2 ----------------

     

    - Coucou les gens ! 
    - Coucou pingouin ! Alors bien la reprise des cours? Demanda Faye en lui adressant un court regard pour ensuite replonger dans ses notes
    - Pas vraiment... à vrai dire, impossible de me détendre répondit-elle en perdant son sourire pour adopter une mine boudeuse.
    - Ma matinée n'a pas été terrible non plus. Soupira Lucas. Je me retrouve tout seul dans ma classe... Mais je vais devoir m'y faire... 
    - Pas de bol! Reprit Amandine en retrouvant un sourire moqueur 
    - Bon sinon on pourrait aller manger ? On t'attendait et notre horaire de passage va bientôt se terminer. Coupa Étienne d'un ton calme.
    - Eh bien moi je peux pas venir, j'attends des gens, je passerais en « forcing » c'est pas grave, allez-y ! Déclara Amandine
    - Oui et moi je vais demander un truc à la vie scolaire. Compléta Faye en se levant.
    - D'accord à tout à l'heure ! Firent les deux garçons en quittant la cafétéria. 

    Une fois au self, ils se retrouvèrent à la même table qu'Arthur. C’était un nouveau qui se trouvait dans la classe Lucas, un garçon bien sympathique avec lequel s'était rapidement lié d'amitié. Avec Étienne, ils parlaient de choses et d’autres. 
    Il n’y avait pas grand monde dans le self car ils étaient venus un peu en retard. Depuis environ cinq minutes, un silence absolu s’était installé et personne n’osait le briser. Les rares bruits qui émanaient des autres tables et de leurs propres couverts paraissaient déplacés dans cette atmosphère quasi-religieuse. 
    Tout à coup, Étienne demanda :

    - Au fait, quelqu'un sait pourquoi Faye est partie à la vie sco' ? 

    Il avait sorti ça tellement brusquement que Lucas, surpris, sursauta alors qu’il buvait. Heureusement il avait presque fini son verre et évita de s’en mettre partout mais ne put empêcher son tourteau fromager d’être trempé. Arthur répondit sans même faire attention à Lucas :

    - Faye ça ne serait pas la fille aux cheveux violets? 
    - Si elle était avec nous tout à l'heure. Acquiesça Étienne.

    Arthur réfléchit quelques secondes avant de déclarer, hésitant.

    Elle est peut-être allée demander si l'infirmière est là aujourd'hui. Elle se sentait un peu patraque hier. Elle me l’a dit quand j'ai fait sa connaissance.

    Lucas était en plein deuil dans l’indifférence général. Il regardait le seul aliment mangeable de son repas avec une tristesse teintée de regret. 

    - Dommage... Si elle est malade, elle risque de rater quelque chose.

    Il releva la tête et déclara d'un ton rêveur :

    - La première mission de l'année... C'est vraiment cool, surtout que cette fois on est en deuxième année, on n’a pas à s’inquiéter de réussir ou pas !

    Il s'interrompit quelques instants avant de reprendre, pensif :

    - Le seul truc, c’est qu'on va devoir faire le petit rapport sur les performances des premières années et le déroulement de la mission... Mais bon, ça fait partie de notre formation après tout.

    Arthur prit le tourteau d’Étienne sans prendre la peine d’être discret mais ce dernier ne réagit pas car il n’avait plus très faim. Il déclara tout en mangeant :

    - Il faudra quand même s’inquiéter un minimum parce que si ça foire, c’est considéré comme étant en grande partie de notre faute... Et puis bon... Je sais pas si on peut considérer ça comme une mission, de ce qu'on m'a dit, on reste sur les terres du lycée et on ne fait que tester le développement des pouvoirs des nouveaux. 

    Étienne poursuivit en soupirant avec fatalisme.

    - Ouais mais cette fois on ne risque pas notre place, à moins d’une très grosse bavure. Mais là franchement sur des missions comme ça pas besoin d’être un pro de la gestion d’équipe pour éviter que quelqu’un soit blessé ou se fasse tuer. 

    Arthur sourit et déclara avec ironie.

    - Je suis pressé de voir comment tu t’en sors… 

    Lucas, qui avait abandonné son dessert à son triste sort, pris part à la conversation :

    - Espérons juste que tu sois meilleur que ceux de notre équipe de l’année dernière.

     Étienne s'esclaffa et déclara avec véhémence ce qu'il pensait de son équipe ce jour là, se remémorant son intégration : 

    - On peut difficilement faire pire, c’était une bande d’amateurs ! Je sais qu'on forme les équipes comme on veut mais là c'était vraiment le tiercé gagnant! Non mais sans rire, comment se faire avoir par un piège aussi gros ?! Sans parler des caméras carrément évidentes qu’ils n’ont même pas été fichus d’éviter... Et pourtant tu leur avais dit où elles étaient … résultat : un blessé et l’objectif atteint de justesse. Sinon quelqu’un a l’heure? S'interrompit-il d'un seul coup.
    - Ça va bientôt être l’heu… Commença Lucas. 

    A ce moment la sonnerie retentit. 

    - Faut qu'on se dépêche! S'exclama Etienne. Si on veut avoir un peu de temps libre faut sortir maintenant!
    - Et bien moi je dois y aller, j'ai un cours de langage codé qui m'attend, on se retrouve plus tard... soupira Arthur.

    Une fois sortis du self, les deux lycéens prirent le couloir menant à la cafétéria. Le ventre plein, ils ne voulaient que se reposer avant de reprendre les cours. Les couloirs étaient bondés, des amis retrouvant ceux de l'année dernière, les nouveaux demandant des renseignements et les profs qui cherchaient leurs futures salles. Lucas tripotait un étrange appareil plus ressemblant à un Iphone qu'à autre chose tandis que l'autre marchaient en silence. Amandine et Faye coururent en leur direction pour les rattraper. 

    - Alors ça va Faye? S'enquit Étienne
    - Oui pourquoi? Répondit elle en haussant un sourcil.
    - T'étais pas partie demander si l'infirmière était là?
    - Ah si! Oui elle m'a donné un médicament contre la migraine. J'ai eu de la chance qu'elle soit là d'ailleurs. Mais comment tu sais que je me sentais pas bien ? Je n'ai rien dit. 

    Étienne fit une mine assez intriguante avant de déclarer avec un sérieux très ironique. 

    - Je suis un professionnel. 

    Lucas toussota

    - Et Arthur te l'a dit...

    Le petit groupe s'esclaffa et se dirigea vers la cafétéria. Une fois là bas, ils eurent néanmoins une mauvaise surprise: toutes les tables étaient prises... Étienne se préparait à prendre l'autre direction avec Amandine et Lucas quand Faye avança vers une table occupée par des cercles cinq ou six. Ils la regardèrent s'approcher, l'un jouant avec des cartes qui flottaient dans l'air et Faye dit d'un ton rapide et monocorde : 

    - Bien le Bonjour chers amis, voyez vous, je me sens lasse de ma journée, si peu commencée soit-elle. Il se trouve que j'aimerais beaucoup que, d'un point de vue socialo-compabilitonel, (A ce mot, des personnes se retournèrent et la dévisagèrent.) vous me laissiez votre place avec la plus grande amabilité qui soit. Je le vois à travers vos pupilles flamboyantes que vous aimeriez tant me rendre ce charmant service !

    Les garçons se regardèrent, surpris... Puis se levèrent et quittèrent la cafétéria. Lucas tapota l'épaule de Faye et Étienne lui glissa un : « Bien joué » et ils s'assirent. Étienne prit le jeu de cartes encore là et Amandine proposa une partie afin de ne pas partir dans ses pensées et donc dans son rêve. Faye lui fit alors remarquer avec un sourire.

    - Tu es moins pâle.
    - Oui, oui...Je m'en remets. Juste étrange...
    - Je comprends. 

    Étienne demanda qui jouait et Faye rejoignit la partie. Ils firent une partie de Président jusqu'à ce que la sonnerie retentisse dans tout le lycée. 

    Faye sortit de la cafétéria, puis dit au revoir à ses amis sachant qu'elle ne les reverrait plus avant le retour à l'internat. Alors qu'elle marchait, elle se redemanda pourquoi l'administration avait choisi une telle chanson pour annoncer le début des cours... C'était un petit morceau entraînant et il était toujours amusant de voir les élèves se trémousser dessus (sans doute le lycée faisait-il son business en envoyant les vidéos à VideoGag).
    Elle se rangea devant sa salle et commença à discuter de la science bipingouinmoléculaire avec quelques uns de ses camarades. Malheureusement, le flot de ses paroles intarissables sur cette merveille ne les intéressait guère... Faye jeta un rapide coup d’œil sur sa montre. Le professeur mettait du temps tout de même... Il arriva finalement au bout de 20 minutes....sans le trousseau de clefs pour ouvrir la classe. 

    45 minutes plus tard, et après s'être trompé deux fois de clés, l'enseignant se résigna à appeler à l'aide les agents d'entretien qui lui ouvrirent la porte. L'année commençait bien ! Le cours pût enfin commencer. Et quel cours... C'était le plus utile (du moins vital) à notre chère Faye. Grace à ce dernier, elle pouvait articuler les phrases sans queue ni tête et incompréhensibles dont avait besoin Faye pour inciter ses cibles à faire ce qu'elle voulait. Ce pouvoir était très utile au lycée alors inévitablement, elle était devenue la petite protégée des professeurs et tous lui envoyaient des sourires mielleux. Ce n'était pas désagréable en soit, mais parfois il lui arrivait de penser que c'était la chose la plus gênante et la plus frustrante qu'il ne lui soit jamais arrivé. 

    - Mademoiselle Faye, pouvez-vous nous lire ce texte à haute voix ? 

    La voix douceâtre de son professeur la tira de sa rêverie, puis elle commença la lecture du texte sur la fusion relative famillationnelle. 
    Sa lecture finie, elle releva la tête et s’aperçut que toute la classe la fixait avec des yeux ronds. Eux même n'auraient pas été capables d'articuler un traitre mot de ce texte à la signification douteuse. Seul le professeur frappait légèrement dans ses mains en répétant de temps à autre un "magnifique, ma-gni-fi-que !" le visage remplit d'émotion. Sur ce, le cours reprit et quelques minutes plus tard ce fut l'heure de la pause. Faye rassembla ses affaires et sortit de la salle de classe. Calée à côté de la porte l'attendait sa responsable de mission. 

    - Ma chère Faye, commença-t-elle, bien le bonjour !
    - Bonjour, qu'est-ce que vous me voulez ? répliqua l’intéressée
    - Oh rien de bien particulier... Je viens juste te parler de ton nouvel uniforme de travail pour cette superbe année scolaire... 

    L'uniforme ! L'année dernière, c'était un ensemble rose chemisier-jupe avec des talons d'au moins 10 centimètres. Faye n'avait plus qu'à espérer que cette fois là ce serait moins ridicule... Elle consentit donc à détourner son regard du magnifique chewing-gum étalé sur le lino gris pour tourner la tête vers son interlocutrice, un léger sourire aux lèvres. Voyant son enthousiasme, sa responsable lui rendit son sourire. 

    - Ce sera le même uniforme que l'année dernière ! lui dit-elle. 

    Blanc intersidéral.

    - Mais les talons seront un peu moins hauts...! » bafouilla-t-elle pour essayer de rattraper son bide.

    Faye grinça des dents.

    - Très bien... répondit-elle, Et je l'aurais quand ?
    - Mais, tout de suite ! Passe à mon bureau après les cours, je te le donnerais. Je venais aussi te parler de tes prochaines missions... Enfin, juste pour dire que le principe reste le même... 

    La sonnerie retentit. 

    - Bref, passes me voir tout à l'heure mon chou ! 

    Elle s'éloigna, faisant claquer ses talons aiguilles dans le couloir. Faye soupira et sera sa peluche pingouin porte-bonheur entre ses doigts. Cette année encore, elle tomberait sans relâche à cause des escarpins obligatoires dans sa tenue. 

    « Quelle poisse ! », pensa-t-elle, « Mais je m'en fiche, un jour je serais riche et je m’achèterais un zoo rien qu'avec des pingouins ! »

    Le reste de la journée se déroula sans encombre, les cours s'enchaînant avec une banalité assommante. En passant chercher sa tenue, Faye remarqua une fille coiffée d'un ruban dans les cheveux. Son pantalon était exactement de la même couleur que le mur auquel elle était adossée. Mais, sans surprise, elle avait oublié l’inconnue au bout de quelques secondes. À dix-heures tapantes, Faye, exténuée par sa journée alla s'écraser sur une chaise dans la cafétéria. Une première année aux cheveux blonds et à la mine maussade s'y trouvait déjà, allongée sur deux chaises...

     

    ----------------Partie 3-----------------

     

    - Ça va, petit pingouin ? demanda la jeune fille en tailleur rose.
    La jeune fille leva la tête et détailla rapidement la jeune négociatrice aux cheveux violets. Elle soupira ensuite, comme si elle la connaissait depuis des années. 
    - Je suis assez stressée, je te l'avoue...
    - Pour demain ?
    - Bingo... 

    Traditionnellement, le lendemain de la rentrée était consacré à la journée d’intégration des secondes. Faye n'ayant pas pu manger avec Étienne Arthur et Lucas n'avait pas pu partager leur discutions sur le sujet mais, en élève importante du lycée, elle était au courant du programme dans les moindre détails. Les élèves, sélectionnés pour entrer au LP2I sur dossier, entraient à l’internant à la mi-juillet. Ils ne suivaient aucun cours, mais le simple fait de rester présents sur le site les soumettait aux radiations, et leur permettaient de développer ces pouvoirs. Ce mois passé au lycée n’avait souvent rien de drôle. Pour éviter d’attraper un cancer, les algues, riches en iode, figuraient à tous les menus. Et les modifications physiques et psychologiques entraînaient souvent des migraines atroces et des courbatures phénoménales.

    La journée d’intégration des secondes avait pour but de les aider à révéler ce pouvoir en les soumettant à une batterie de tests, dirigés pas les anciens élèves et encadré de loin par les professeurs. De ce fait, la journée d'épreuves-intégration avait tendance à stresser les premières années, bien qu'ils soient néanmoins acceptés d'office. Cette journée avait pour but de les aider à définir leur cercle de départ. Mais les rumeurs qui couraient sur le niveau physique demandé avait de quoi leur faire peur. Les secondes ou troisièmes années aimaient bien leur raconter que le lendemain était propice à d'affreuses courbatures.

    - Il y en a qui disent qu'ils n'ont même pas réussi à se lever le lendemain... Gémit la blonde. Tu as réussi, toi ?
    - Je ne m'en souviens plus, avoua-t-elle en soupirant. Je crois que j'avais dormi tout le lendemain...
    - Merci, tu es rassurante, toi... Euh...
    - Faye.
    - Ah. Moi c'est Ambre.

    En vérité, Faye n'avait pas menti. Elle avait dormi une matinée toute entière, mais elle n'avait pas eu de soucis de santé comme certains... Étienne, dont le pouvoir était de se souvenir du moindre détail, avait fait une crise après tant d’agitation dans une journée. Il était resté quarante-huit heures debout au milieu de la pelouse, sans esquisser le moindre geste, la tête penchée sur le côté comme s’il venait de descendre six packs de vodka.
    Faye sortit de son sac sa peluche pingouin porte-bonheur et la tendit à son interlocutrice.

    - Je veux que tu le prennes.
    - C'est gentil, mais...
    - Si tu ne le prends pas, un chamois chauve de Papouasie du sud te torturera glorifiquement des terreurs de l'âme de l'obscurité lunatique des gouffres ascensionnels !
    - D'accord, d'accord... capitula Ambre devant le visage écarlate de Faye penchée sur elle.
    - Il fait déjà nuit, constata cette dernière, très vite calmée.
    - En effet... et j'ai sommeil, bailla l'autre.

    Amandine entra dans la cafétéria à ce moment-là :

    - Moi aussi... longue journée...
    - Mon Pingouiin ! cria Faye en se jetant sur elle. Tu encadres les premières années, demain ?
    - Non, ils ne veulent pas... grommela-t-elle.
    - J'irais négocier pour toi, s'il le faut !
    - Moi aussi, gémirent les restes d'Ambre à ses côtés. S'étant rallongée sur les chaises, sa seule manifestation physique fut une main dépassant de la table en signe d'accord.
    - Vous êtes gentilles, mais en même temps, j'ai tellement de rêves à leur expliquer... je ne peux pas renoncer à ça...
    - C'est vrai que si mon don consistait à dormir constamment, je ne dirais pas "non", sourit Ambre.

    Faye gloussa pendant que Amandine prenait une chaise pour s’installer à côté des deux jeunes filles. 

    - Vous parliez de quoi avant que j'arrive ?
    - Baah, de la journée de demain...
    - Elle va bien se passer... Enfin pour toi, Ambre. Faye, tu ne ne viendras pas...
    - Pourqu... Ah, tu as fait un rêve ?
    - Je te laisse deviner...
    - Trop gentil...Ambre, qui avait haussé un sourcil à l'appel de son prénom par l'inconnue, comprit que ce n'était pas vraiment anormal à la mention du terme "rêve". Le peu de temps qu'elle passait au lycée lui avait apprit à suivre une doctrine simple. "Si tu cherches une raison, imagine la plus bizarre possible. Ça sera ça." Elle soupira en baillant.

    - Je vais aller me coucher maintenant, alors...
    - Bonne nuit, répondirent en cœur Faye et Amandine.

    Elles discutèrent un moment de tout et de rien pendant une demi-heure puis allèrent se coucher à leur tour, parcourant les couloirs sombres du lycée...

    Le lendemain, la majorité des premières années n’eurent pas besoin de la sonnerie de leur réveil pour les tirer du lit à l’aube. Une agitation palpable régnait dans les couloirs. On croisait des premières années qui cherchaient des amis, des cercles plus élevés qui cherchaient des premières années, et même des professeurs qui cherchaient leur classe -encore-. C’était un magnifique bazar. Amandine avait rejoint sa chambre, un somnifère à la main. Sa journée allait sans doute être bien moins palpitante que celle des autres. Elle avait au moins la garantie de ne pas risquer un accident dû à un pouvoir mal contrôlé.

    On rassembla les deuxièmes et troisièmes années dans une salle, avec pour objectif, tout d’abord de les compter, histoire de vérifier que personne ne s’était perdu entre le self et la salle, puis de les briefer rapidement avant le rassemblement général dans la cour intérieure. La tâche fut beaucoup moins aisée que prévue, et le professeur était sans cesse interrompu par la porte qui s’ouvrait et se fermait au rythme des «pardon, je suis en retard».
    Au bout d’un long quart d’heure, alors que toutes les chaises étaient pleines, et parfois occupée par plusieurs personnes à la fois, et que le reste des élèves se tassait dans le fond, il fut décidé d’écourter la réunion, et d’envoyer tout le monde directement dans la cour intérieure.

    Il y avait déjà beaucoup de monde en place. En fait, malgré l'heure matinale, elle ne l'avait jamais autant été. La tradition voulait que les premières et les terminales, plus rodés au rythme parfois imprévisible du lycée, soient les premiers prêts pour la journée. La plupart du temps, c'était vrai, mais pas ce jour là. Les premières années se dévisageaient avec inquiétude, tandis que les cercles plus avancés lorgnaient déjà avec insistance sur le buffet en cours d’installation. Les petits pains au chocolat n’allaient sans doute pas faire long feu...

    Une estrade avait été installée en plein milieu, et deux cercles six s’employaient à effectuer les raccords. Le proviseur tapota son micro avec insistance, produisant un désagréable bruit d’ultrasons, qui eut au moins l’avantage de faire taire la foule... un bref instant.

    - Pourrais-je avoir un instant de silence, s’il vous plaît ?

    Demander le silence à cinq cents lycéens surexcités n’est pas une chose aisée. D'autnat plus lorsqu'ils avaient des pouvoirs. Le proviseur se contenta donc d’un calme relatif pour poursuivre :

    - Cette année, comme chaque année depuis maintenant vingt-cinq ans, de nouveaux élèves ont l’honneur de fouler le sol de notre établissement. Et c’est à vous, les cercles supérieurs, que je m’adresse lorsque je dis qu’il est de notre devoir de guider tous ces premières années dans le long apprentissage qu’offre notre établissement.

    Faye grimaça :

    - Un honneur de fouler le sol du lycée ? Ouais, et bien on voit bien que tout le monde ne doit pas le fouler en talons aiguilles, ce «sol prestigieux...»

    Évidemment, la proviseur n'entendit ni ne tint compte de la remarque de la deuxième année.

    - Depuis vingt-cinq ans déjà, nous formons des élèves au futur qui leur tend les bras. À la naissance de cet établissement, ce ne sont pas moins de quinze élèves, qui après trois ans d’études ont intégré des structures que vous savez ô combien prestigieuses... À sa naissance, notre lycée était déjà équipé des plus grandes technologies...

    Le diaporama derrière lui bascula pour afficher une image de deux élèves... devant un minitel. Puis, nouveau changement, et on vit une élève insérer une disquette dans la tour d’un ordinateur.

    - Hum, hum...des plus grandes technologies... de l’époque. Après de nombreuses années d’innovations, et d’incessantes recherches de la perfection, ce sont aujourd’hui une soixantaine d’élèves qui nous quittent chaque année pour de grandes institutions.

    Le diaporama, assez en accord avec le discours, enchaîna sur une courte vidéo du fameux «toit» de la cour intérieure, ici en train de s’ouvrir. L’image avait été prise depuis le sol, au niveau de la pointe du triangle formé par le lycée, et avec le soleil couchant derrière, on avait un peu l’impression de voir un avion au décollage. Amandine commença à chantonner à voix basse, avec un sourire :

    -Et le jouuur, la nuiiit, avec tes deux meilleurs amiiis, à bord du graaand condoor, tu recherches les citééés d’oor...

    Si la plupart des élèves l'entourant lui jetèrent un regard surpris, une fille deux rangs derrières reprit doucement :

    - Enfant du soleil, ton destin est sans pareil, l’aventure t'appeelle, n’attend pas et cours vers eeeelle...

    D'un calme olympiens malgré la petite chanson qui commençait à s'étendre, le discours fut poursuivit par l'oratrice.

    - Aujourd’hui, nous allons procéder à l’intégration des nos nouveaux cercles un. Je compte sur vous pour que cette journée se déroule le mieux possible. Je rappelle que les cercles six ayant été désignés comme délégués provisoires choisiront les activités...

    Il y eut quelques regards fiers de la part des élèves concernés.

    - ... et seront chargés de me fournir à l’issue de la journée un rapport complet pour chacun des élèves qu’ils auront encadrés ! Je vous souhaite une excellente journée !

    Il était donc huit heures et quart lorsque les groupes se formèrent d'eux mêmes pour la journée. Et quelle journée ! Les tests allaient bientôt commencer sous la gouverne des élèves plus avancés et cela, sans intervention des professeurs sur leur déroulement. Au-delà de ce qui pouvait facilement paraître pour une paresse monstrueuse de la part de l'équipe pédagogique se trouvait un système ingénieux. Tout d'abord, les professeurs étaient évidemment là, à surveiller le déroulement, laissant la dernière génération évoluer en confiance avec d’autres élèves. Deuxièmement, entre les mains d'élèves plus âgés les premières années aimaient en faire le plus possible, et attirer l’attention, bien plus que face à un professeur. Et enfin, cette journée permettait la sauvegarde d'un aspect important du lycée.

    Les missions.

    Car c’était bien-là le but de cette journée, finalement. Repérer, déjà, les jeunes talents de cette promotion, noter quelque part dans leur dossier leurs capacités, afin de pouvoir, dès que possible, les envoyer en mission, leur attirant honneur, et si possible en récoltant de l’argent pour le lycée au passage.
    Cette journée permettait entre autre de commencer à nouer des liens avec d’éventuels prochains coéquipiers... Alors que les cercles les plus avancés se séparaient, entraînant dans leurs sillages des duos ou des trios d'élèves moins expérimenté, les premières années erraient comme des âmes en peine, avant de finalement se greffer sur l’un ou l’autre groupe.

    Ambre, très peu désireuse de se retrouver seule, avait tout d’abord cherché à rejoindre Faye, mais conformément à la prévision d’Amandine, cette dernière avait été appelée en urgence pour une réunion de dernière minute.

    Alors que la cour se dépeuplait à vitesse grand V, Ambre se jeta pratiquement sur un cercle cinq, qui n’avait auprès de lui qu’une seule élève.

    Le groupe ainsi formé donnait une étrange impression de contraste. Les deux premières années étaient toutes deux toutes petites, l’une brune aux jolies mèches rouges, l’autre, Ambre, un air las sur le visage, suivait les deux autres les mains dans les poches. L'autre fille était, malgré sa taille assez peu conséquente, animée d'une vigueur remarquable. Ses yeux bleu-gris ne se fixaient que très peu de temps en un point et elle remettait souvent ses lunettes en place. Les circonstances l'avait fait revêtir des vêtements de sports, tout comme sa comparse. Néanmoins, elle avait déjà attiré l'attention de l'établissement entier par ses habits aux tendances gothiques très marquées. Les deux jeunes filles suivaient le deuxième année du cercle cinq à pas rapide, non pas parce qu'il marchait vite mais parce qu'il avait des jambes démesurées par rapport à elles. Grand, vraiment grand, les cheveux frisés dans une coupe approchant de l'afro, il jetait sur le monde un regard calme et bleuté. En vérité, tout paraissait calme chez lui, jusqu'à sa démarche nonchalante. Finalement arrivé à un endroit qu'il jugea propice, il se retourna, fit quelques pas en arrière. Ils étaient encore en extérieur, mais le cercle cinq projetait de continuer dans le bâtiment. Pour l'instant, il voulait juste connaître les deux filles qu'il avait -presque- attrapées au vol.

    - Bon. Ok ... Alors moi je suis François, je suis cercle cinq. En gros mon pouvoir c'est de contrôler les gens avec le son de ma voix. Déclara-t-il d'une voix assez lente mais tout de même douée d'une certaine énergie.
    - Les persuader ? Demanda la plus petite du duo.
    - Non, c'est plus subtil, mais ouais, c'est un peu ça... Hésita-t-il. Bon bref. En fait là, je vais vous faire passer des tests et je voulais vous connaître un peu avant. Genre vos noms, vos pouvoirs tout ça...

    Derrière ses lunettes, les yeux de la petite gothique brillèrent. Elle se tourna vers Ambre, ouvrant la bouche pour lui demander laquelle des deux devait se présenter en première. Un simple haussement d'épaule de sa comparse suffit à la pousser à parler. Elle se présenta alors avec entrain et énergie, épargnant à la seconde la tâche d'entamer le dialogue :

    - Je m'appelle Aria et... j’arrive à pousser des objets... sans les toucher ! Juste avec mes yeux ! Mais ça m'arrive de les casser...

    François ne releva pas ses derniers mots, Aria avait déjà souvent attiré l'attention sur elle au self ou dans les couloirs. Il hocha la tête un "ok" convaincu et se retourna vers la deuxième. Elle soupira légèrement avant de prendre la parole d'une voix monocorde frôlant l'exaspération.

    - M'appelle Ambre. Je crois que quand je suis en colère, les gens autour sont en colère aussi, et quand je suis triste, ils sont tristes aussi... Mais seulement quand ils sont en groupe...

    François hocha de nouveau la tête avant de leur indiquer qu'ils allaient continuer dans une salle du quatrième étage. Arrivé en haut, il leur expliqua plus en avant l'histoire des tests. Bien sûr, elles n'allaient pas se faire renvoyer si leurs "résultats" étaient insatisfaisants, mais juste agoniser sous la masse de travail jusqu'à l'amélioration de leurs capacités à un niveau suffisant... Le lycée ne pouvait pas se permettre d'envoyer en mission des élèves inaptes. Il était impensable qu’un première année en difficulté se retrouve pris dans un conflit terroriste avec un simple bâton comme moyen de défenses. Néanmoins, une simple mission pouvait rapidement tourner à la catastrophe avec un pouvoir mal utilisé ou même mal maîtrisé.

    Hors un élève, devait être capable de partir en mission à tout instant.

    Il leur fit par la suite passer des tests simples. Aria devait manipuler des objets plus ou moins lourds, au début simplement les repousser, puis les faire léviter ou les déplacer. Elle réussi relativement bien, les objets entrant dans le champ de ses possibilités. Quelques-uns furent brisés mais deux ou trois mots rassurant de la part de son tuteur la calmèrent et elle finit l'exercice sans trop difficulté.

    Vint alors le tour d’Ambre. N'ayant pas de groupe de personnes à disposition, François lui proposa, surtout par jeu, d'embêter les groupes s'exerçant à l’extérieur. Ouvrant une fenêtre, il lui demanda d'influencer autant de gens qu'elle voulait. La distance imposée par la hauteur du bâtiment la gêna grandement, mais avec assez de concentration et pas mal d'effort, elle tendit l'ambiance entre une dizaine de personne avant de passer à une ambiance beaucoup plus amicale. A la fin de sa petite démonstration, elle se laissa tomber sur une chaise, relativement exténuée.

    La pause de midi passa en un éclair. Trop concentrées dans leurs tests, elles mangèrent avec leur "examinateur" avant de retourner directement dans la salle. Le repas fut d'ailleurs une occasion pour Ambre de démontrer une nouvelle fois ce qu'elle pouvait faire. Dans le self bondé, manipuler un groupe de personnes était bien plus simple que du haut du bâtiment.

    De retour dans la salle, Aria manipula encore d'autres objets, plus lourds ou fragile avant que le tout ne dégénère en une bataille d'objets divers, à l'origine apportés pour les tests. Le trio coula alors doucement dans un délire beaucoup plus typique d'adolescents de leur âge. Les tests étaient a fortiori fini pour eux. Ils discutèrent encore deux bonnes heures de sujet et d'autres, François expliquant à ses filleules les ficelles du rôle d'élève du LPII. Rien de bien transcendant aux yeux des professeurs, mais aux yeux d'un élèves, les divers trucs pour survivre dans la queue du self ou les endroits où s’isoler valaient presque autant que les enseignements, aussi originaux soient-ils. Suivirent ensuite des sujets bien plus banals. Ambre était assise sur une table, adossée au mur adjacent, Aria sur une chaise juste à côté et François, avachit sur une table. Ils causaient de tout et de rien jusqu'à ce que la sonnerie retentisse. Ils se saluèrent et sortirent.

      Aria proposa à Ambre de rester avec elle, mais cette dernière, harassée par les exercices et ayant à peine réussi à suivre la conversation, s'excusa et retourna dans sa chambre. La blonde se laissa tomber sur son lit, les bras en croix, les jambes dans le vide. Fixant le plafond, fixant un horizon invisible, en fait, elle se remémora sa journée. Au début, passer des tests avec des élèves qu'elle ne connaissait pas ne l'avait pas vraiment emballée mais finalement, cela s'était plutôt bien passé. On pouvait facilement accuser Ambre d'être difficile à vivre, mais ce n'était pas une asociale. Rester avec ses amis était évidement quelque chose qu'elle aimait, même si elle avait parfois besoin de solitude. Tout dépendait des dites personnes au final et les deux élèves dont elle avait fait la connaissance étaient particulièrement gentilles. Un soupire creusa son ventre.

    Elle n'avait pas envie d'être seule aujourd'hui.

    Prenant sa meilleur arme de séduction, à savoir un paquet de haribo, elle sortit de l'internat pour retourner dans le lycée. Jusqu'à une certaine heure, les élèves pouvaient rester dans l'établissement. S'installant à une chaise libre, dans un coin de la cafet, elle se mit à écouter les différentes conversations. Là tout de suite, elle observait. Ensuite on verrait. 

    La discutions la plus intéressante, mais surtout la plus loufoque venait d'une table, juste devant. Il y avait là deux jeunes filles qu'elle connaissait déjà dont le sujet de conversation était... tout de même assez spécial.

     

     ----------------Partie 4-----------------

     

     - Mais tu penses que la présence de pingouin combattant la cavalerie des ours avec des pommes de terre à une incidence sur mon karma des trois mois à venir ?
    - Faye, je te raconte juste un rêve que j’ai fais AVANT mon arrivée au lycée ! 
    - Mais même ! Si tu fais des rêves prémonitoires aujourd’hui, qui te dit que tu n’en à pas fait avant de manière détournée ? 

    Faye se plongea alors avec rage dans un livre de décodage aussi épais qu’un volume des misérables en marmonnant. Amandine la regarda quelques instants avant de sursauter légèrement. 

    - Au fait on a des devoirs en codage ? Parce que franchement moi et les langues étrangères…
    - C’est du codage, pas une langue étrangère.
    - Oui, bah excuse moi, mais le codage, c’est pas ma langue maternelle donc si, c’est une langue étrangère. 

    Soupir. Ambre avait perdu le fil de leur discussion à l'arrivée du gars châtain aux yeux a fortiori verts. Elle faisait face à son paquet de tagada sans ressentir une quelconque faim. Peut-être que les deux autres filles en voudraient ? Elle se leva sans motivation et inscrivit un tout petit sourire sur son visage.
    Cachant le sac en plastique contenant les précieuses sucreries, elle lança, tentant de se fondre dans le thème : 

    - Salut ! Puis-je délicatement m'intégrer dans cette conversation ô combien plus intéressante que le passage répété de ces tristes nuages gris ? 

    Faye releva la tête avec un air faussement méfiant et regarda Ambre du coin de l'œil. 

    - Toi ! T'auras pas de cookie ! 

    L'intruse laissa échapper un petit rire, s'appropria une large chaise violette pour finalement se glisser face à Faye et la fille au doudou. Cette dernière s’essaya à défendre la blondinette. 

    - Mais... Super cookie va te dévorer cette nuit si elle n’a pas l'un de ses concitoyens dans son ventre. Argument qui vaut aussi pour moi d’ailleurs.
    - Oui mais, contre-attaqua Faye en coupant la parole à la propriétaire de la peluche, d'un point de vue clairement socio-dégradable, les pingouins hypermétropes quoique astigmates ou bien presbytes vont pratiquer la pyromanie ectoplastiquement ésotérique d'ici vingt ans et trois quarts de siècle. En gros, j'ai raison et tu as tort. 

    Lucas soupira et posa ses mains sur la table avant de déclarer sur un ton expert et au combien subtil… 

    - TEMPS MORT ! Je reviens. 

    Un silence presque parfait s'abattit sur la table dont le vert sapin était défraîchi. Lucas se leva et s’éclipsa. Trois éclats de rires finirent alors par raisonner dans l'espace dédié à la détente. Désireuse d'entretenir la bonne humeur, Ambre se pencha sur son sac en bandoulière et essaya d'en sortir un paquet de madeleine aux pépites de chocolats, entraînant en même temps le sachet de Haribo – chose apparemment indispensable au LPII pour corrompre les plus forts, du genre les troisième années – qui s'écrasa lamentablement devant Amandine. Celle-ci ouvrit de grands yeux étonnés et s'exclama : 

    - Mais... Ce sont des haribos ! 

    La belle au bois dormant n'attendit absolument aucune réaction et plongea sa main pâle dans le sachet en plastique, retirant ainsi au bas mot... Une grosse dizaine de boules roses et sucrées.

     - Pas de commentaires hein ? C'est pour Doudou aussi... Il est gourmand. Mais ne lui dites pas surtout, ça pourrait le vexer. 

    C'est à ce moment là que Lucas décida de repointer le bout de son nez... Et ses yeux brillants, prêt à sauter partout. 

    - LES FILLES ! J'ai une bonne nouvelle ! 

    Les regards et mimiques qu'il s'attira furent surpris, désespérés et amusés. 

    - Euh ? Pardon ? Demanda Faye
    - J'ai fini... Skyrim, Assasin's Creed, Need for Speed, Deux Ex... 
    - C'est tout ? s’étonna la jeune négociatrice.
    - Dans les quelques secondes où tu es parti ?! S’exclama Ambre
    - Bienvenue dans le monde de Lucas. Déclara Amandine en lui tapotant l’épaule. Elle se retourna ensuite vers le joueur et insista. C’est vraiment tout ?
    - Euh... Age of empire ? hésita-t-il
    - Tu baisses Lucas, ironisa Ambre, se calquant sur le comportement des autres
    - Ah ! Et Pokemon bien sur ! S’illumina le jeune garçon. 

    Un « Ah ! » collectif répondit à son rappel. 

    - Je vais peut-être commencer Zelda Ocarina Of Time aussi... S’interrogea-t-il
    - Encore ? Demanda Amandine
    - Beh quoi ? C'est que la trentième fois ! Répondit-il en haussant les épaules.

     La sonnerie se fit alors entendre et les deux jeunes filles de deuxième année se levèrent, l'une en grommelant, l’autre illuminé de bonheur. Cette dernière remit ses cheveux violets foncés en place et déclara d’un ton joyeux 

    - C’est l’heure du cours de décodaaaage ! 

    Elle poussa presque Amandine dans le couloir, insensible à ses protestations. Néanmoins, usant de son don, peut-être à tort, elle parvint à la convaincre d’embrayer sur une conversation plus plaisante. Les deux jeunes filles entrèrent donc dans la salle et s'installèrent en bavardant tranquillement. Elles passaient de banalités en banalités, comme deux jeunes filles normales. Enfin presque. 

    La professeure s’installa, expliquant en quelques mots le déroulement du cours alors que personne n'écoutait. L'enseignante n'y prêtait pas vraiment attention. Malgré les quelques particularités de ces enfants, ils restaient des élèves comme les autres. Ils devaient apprendre, certes pas les mêmes choses, mais ils devaient être parés pour leur vie qui s’annonçait si spéciale. Elle entama ensuite l'appel, énonçant les noms les uns après les autres sur un ton égal. 

    Les élèves interrompaient leur conversation le temps de lâcher une réponse monosyllabique pour ensuite la continuer tant qu'ils le pouvaient encore. Puis, un prénom posa problème. 

    - Kalian ? 

    Silence.
    L'enseignante leva les yeux, parcourant la salle pour voir si l'absente ne se signalait pas par un geste. Aucune réponse à nouveau. Les élèves commencèrent à se regarder les uns les autres, comme si la jeune fille pouvait se cacher dans un coin.

     Toujours rien. 

    - Quelqu'un sait où est Kalian ? 

    Mais personne ne répondit non plus. En fait, la véritable question aurait été « Quelqu'un sait QUI es Kalian ? ».
    On la connaissait de vue, on lui avait adressé la parole, joué aux cartes avec elle une fois ou traîné jusqu'à plusieurs jours avec avant de passer à autre chose. Mais personne ne la connaissait vraiment. Donc personne ne savait où pouvait être l'absente. Mme Louve soupira avant de cocher le nom de Kalian sur la liste des élèves. 

    Le cours se déroula ensuite normalement. Amandine rêvait à la fenêtre alors que Faye écoutait attentivement. Les cours de langage codé étaient obligatoires, au grand dam de la jeune rêveuse, qui n'en avait pas besoin. En général, les choses codées lui apparaissaient parfaitement clair... Ou on les lui traduisait lors de ses rapports. Elle ne suivait que très moyennement et comme elle le déclarait elle-même « De toute façon, j'étais déjà nulle en anglais au collège alors ça n'allait pas devenir mieux avec le langage codé... ». Faye quant à elle suivait avec assiduité, ce cours étant primordial pour elle. Lorsque la sonnerie retentit, Amandine fut l'une des premières à sortir avant de se rendre compte que son amie était restée en arrière. Elle émit un son entre le grognement et le soupir avant de se retourner et de l'attendre dans l'encadrement de la porte. 

    Lorsque Faye eu passé la récréation entière à clarifier un point avec Mme Louve, au grand désespoir de cette dernière, elle revint vers son amie, lui expliquant avec enthousiasme ce qu'elle venait d'apprendre. Faye avait un petit côté exaspérant lorsqu'elle expliquait les choses qu'elle aimait contre la volonté des autres. Mais au final, ce trait revenait chez la plupart des gens donc elle était rapidement pardonnée. 

    Elles durent courir pour arriver à temps à leur cours suivant. C'était également un cours obligatoire d'auto-défense. La plupart des élèves étaient appelés à intervenir dans des conflits où des événements particulièrement surveillés, que ce soit pour le gouvernement où des organismes indépendants plus où moins obscurs. Les lieux de mission n'étaient donc pas toujours sûrs... 

    M.Trilion lu rapidement la liste des élèves avant de lâcher, pensif. 

    - Vous savez ce qui est arrivé à Kalian ?
    - N...
    - Je suis là. 

    L'ensemble de la classe se retourna vers la jeune fille assise, les genoux rassemblés sur elle. Un fin sourire était sur ses lèvres, de ceux que l'ont fait aux gens qui vous dévisagent.
    Ils étaient juste 26 cette fois-là.
    Kalian justifia son absence par un problème administratif et le cours repris. 

    Amandine soupira en sortant du cours, les cours de self défense, ce n’était pas la partie la plus reposante de leur éducation. Néanmoins, étrangement, la jeune dormeuse aimait bien faire du sport. Au moins, ça lui permettait de maintenir on corps en état entre ses longues périodes de sommeil. 

    La journée se termina de façon horriblement morose, quelque part entre des jeux de cartes et des discutions qui peinaient à être drôle. Lorsque les élèves regagnèrent l’internat, il pleuvait. Il faisait sombre et même froid pour un mois de septembre. Il était 4h17 et tout le monde dormait en paix, voyageant dans l'univers des rêves. Ambre se retourna dans son lit, elle dormait avec deux autres filles du même cercle qu'elle, elle les aimait bien...Du moins, avec elles, elle était en paix. Elle rêvait d'un cheval, magnifique, tellement qu'elle en entendait les bruits de sabot...Non, de pas...de Pas ? Et un cri ? Oui, c’était bien un cri qui déchira le silence de l’internat. 

    - REVIENS ICI ! 

    Les trois filles se réveillèrent en sursaut et Ambre se dirigea vers la porte pour voir ce qu'il se passait, elle ressentit alors un certain agacement grâce à son don. Un souffle lui balaya le visage tandis qu'une fille filait tout droit vers le dortoir des garçons comme un éclair, un éclair avec un étrange pyjama... 

    Elle referma la porte et sauta dans son lit encore chaud. L'une de ses camarades demanda ce qu'il se passait et elle lui répondit en soupirant : 

    - Une folle... 

    Pendant que le dortoir des filles s’agitait, les garçons, eux, ronflaient encore. Lucas, Étienne et Arthur dormaient dans le même coin, chacun enroulé dans leur drap comme des enfants sages. Un bruit semblable à un coup de canon retentit soudainement et Arthur entrouvrit un œil – et accessoirement ôta son pouce de sa bouche - en se demandant ce que c'était. Deuxième coup de canon aussitôt suivit d'un cris Arthur tapota Lucas à coté de lui. 

    - Hey...Lucas, réveille toi ! 

    Il le frappa finalement à l'épaule et celui-ci se réveilla en grognant sauvagement quand un cri strident retentit dans les couloirs. Lucas se réveilla finalement et prit une chaussure comme arme tandis qu'Arthur se réfugia le plus loin de la porte possible. Des bruits de pas s'approchaient...Étienne se retourna en soupirant, encore endormi. Une voix retentit dans le couloir. 

    - JE...! 

    La porte s'ouvrit violemment, envoyant un tas de vêtements volaient plus loin tandis qu'une silhouette s'engouffrait dans la chambre, bondissant comme une furie. 

    - ... T'AI ! 

    Elle s'éleva alors dans les airs sous les yeux ébahis des deux garçons tandis qu'Etienne entrouvrait les siens...Puis s'écrasa sur lui tout en serrant quelque chose dans ses bras.
    Silence 

    - MAIS TU FICHES QUOI ? 

    Hurla Étienne, tirant les draps sur lui, à la fille qui se tenait sur lui. Elle se tourna vers lui et tendit ses bras vers lui. 

    - Je la poursuivais voyons... 

    Étienne regarda le vide entre ses mains, Lucas était encore paralysé et Arthur avait disparu derrière son lit. (Ses pieds visibles, sûrement évanoui ) 

    - Euh...Je dois voir quoi ?
    - Mais elle ! 

    Elle leva ses bras un peu plus haut. 

    - Non mais... 

    Étienne allait exploser quand un appel retentit de l’autre côté de la chambre. 

    - Je peux sortir ?! Demanda Arthur, constatant qu’aucun zombie/soldat/démon n’était entré dans la pièce. 

    Les autres garçons et des surveillant arrivaient vers la chambre quand soudainement, des draps, des affaires et autre furent éjectés de la chambre comme soufflées pas un courant d'air. Eileen venait de partir en courant et hurlant. Apparemment, la « chose » qu’elle poursuivait venait de s’échapper à nouveau.

    Eileen était une des filles les plus connues -et paradoxalement des plus évitées- de tous le lycée. D’après les professeurs, son talent était de voir les fantômes, mais comme personne ne pouvait vérifier, il était difficile de savoir si elle disait vrai où si elle était tout simplement folle. Eileen ne suivait que très peu de cours en commun avec les autres, elle passait le plus clair de son temps avec un psychologue, qui tentait, souvent en vain, d’éclaircir un peu ses idées étranges... 

    Amandine se dirigea vers la table où mangeaient Étienne et Lucas, des cernes cerclant les yeux de Lucas et une attelle au poignet droit d’Étienne. Elle posa son plateau et elle demanda pourquoi ils étaient dans un tel état. Lucas expliqua la première partie et Étienne l'autre avec toujours autant de détail. 

    - D'où mon attelle.
    - Ah...Et Arthur et... la folle... euh... Eileen sont où ?
    - Sûrement à l'infirmerie. 

    Eileen attendait dans le bureau de l'infirmière tandis que cette dernière examinait Arthur. Elle caressait sa chouette fantôme en mangeant un morceau de chocolat quand enfin, ils sortirent. 

    - Donc je te conseille des vitamines et pour ton mal de tête, du Doliprane. 

    Arthur hocha la tête, des cernes sombres masquant presque ses yeux. L'infirmière leur fit un mot et les libéra enfin. Arthur demanda alors pourquoi Eileen était rentré comme ça cette nuit là. Cette dernière lui répondit comme si c’était la chose la plus évidente du monde. 

    - Pour la rattraper !
    - Mais qui ?
    - Mais elle ! 

    Elle tandis ses bras vers lui, un vide entre. 

    - Euh...Je dois voir quoi ?
    - Ben la chouette.
    - Ah... 

    Il ne chercha pas plus, il valait mieux ne pas contrarier Eileen lorsqu’elle parlait de ses visions. Beaucoup d’élèves restaient septiques quant à ses pouvoir de vision des fantômes. Cependant, le lycée avait constaté une mutation et donc conclu, dans la foulée, que les fantômes existaient. Après tout, qui croirait une histoire d’enfants améliorés radioactivement ? Ils passèrent devant un groupe de gars qui riaient, Arthur leur demanda pourquoi et l'un d’entre eux lui expliqua : 

    - Le cri de femme cette nuit, tu l'as entendu ?
    - Ah oui… Oui j’étais… 

    Le garçon rigola de plus belle : 

    - Mais non! Pas du tout, c'était Corentin qui l'a poussé... Il a eu peur quand l’autre folle est rentrée dans la chambre ! 

    Et le groupe s'esclaffa de plus belle tandis que Corentin rougissait de honte. Eileen et Arthur continuèrent vers la cafétéria un peu amusé. Avant même qu’il n’ait le temps de s’en rendre compte, celle si avait disparut. Pourtant, ce n’était pas la dernière fois que le petit groupe entendrait parler de la petite illuminée.

    Parce que le lendemain matin, la rumeur fit le tour du lycée plus vite que Faye ne court après un pingouin.

    Eileen partait en mission.

    C'était tout simplement aberrant, impensable, idiot, même.
    Eileen n'arrivait déjà pas à aller d'une salle à un autre sans se perdre, ou oublier ce qu'elle devait faire. Alors en mission ? Non, c'était une rumeur, une simple rumeur...

    La plupart des élèves avaient fini par conclure que c'était simplement le nom que son nouveau psychologue avait donné à leurs rendez-vous quotidiens. Ce devait être une nouvelle méthode de pédagogie moderne...
    Et puis, c'était vrai que traverser tout le lycée pour aller traiter de psychologie relevait pour Eileen d'un véritable challenge, qui méritait parfaitement le nom de mission.

    Sauf que ce n'était pas une rumeur.
    Et Faye en fut parmi les premières informées.

    Dépitée par la couleur de son costume, qu’elle portait non-stop depuis huit heures du matin en enchaînant les rendez-vous, Faye décida de se rendre à la cafétéria pour se remettre de ses émotions et éventuellement retrouver son honneur qui s'était enfui en courant... Elle n’eut pas le temps de s’engager dans la couloir, déjà,un professeur vint à sa rencontre avec un dossier rose à la main :

    - J'imagine que ce n'est pas pour changer la couleur de mon uniforme...
    - Ne parles pas de miracle. Mais j'ai une place en mission pour toi, tu veux la prendre ?
    - Pourquoi me demander à moi ? Je ne suis pas sensée passer un entretien comme tout le monde ?

    Le professeur sourit, un peu gêné :

    - En fait, nous nous y sommes pris trop tard et il est impossible d'obtenir cinq billets pour une mission en Allemagne, à laquelle participera notamment Eileen. Nous …
    - Comment !? Eileen va partir en mission ?
    - Nous n'avions pas le choix à vrai dire … On a chercher à voir si on ne pouvait faire sans mais …

    Faye était abasourdie. Eileen, en mission ? Comment la mission allait-elle bien pouvoir se passer ? Le professeur n'attendit pas la réaction de Faye et reprit son explication.

    - Bref, passons. Nous sommes donc sur une affaire importante qui pourrait nous rapporter gros. Et nous pensions qu'en utilisant ton pouvoir de manipulation, tu pourrais peut-être...

    Comme pour l'achever après la nouvelle qu'Eileen partait en mission, Faye se prit son ego dans la figure et réussit de justesse à retenir une gémissement désespéré. Elle qui pensait se voir flattée de milles compliments, on lui expliquait qu'elle y allait juste en tant que pigeon. Un peu vexée mais contente de pouvoir quitter ce trou à rat, elle accepta à condition que l'on lui épargne l’uniforme rose pour les négociations sur place.

    - Parfait ! déclara le professeur, Le téléphone est à ta disposition, et si tu as besoin de te rendre directement sur place, Thomas t’attend sur le parking avec une voiture.

    Thomas était l’élève du lycée dont le pouvoir consistait en une extraordinaire coordination œil/main, et qui servait donc de chauffeur pour un grand nombre de déplacements.

    Une heure plus tard, Eileen se trouvait à la cafet' ,enfoncée sur sa chaise, plongée dans un livre qu'elle tenait à l'envers, quand le micro résonna :

    - Eileen est demandée à la vie scolaire, Eileen, merci !

    Amandine la vit se lever, et se demanda à juste titre si la vie scolaire n'était pas trop loin pour qu'elle ne s'arrête chasser des papillons entre temps.
    Il se trouva que non. Eileen descendit normalement, presque sans chanceler, ce qui était pour ainsi dire un miracle.
    A ce stade, personne hormis Faye ne pouvait encore être sûr que cette histoire de mission n'était pas un canular. Mais deux minutes plus tard, l’intéressée vêtue de rose entrait dans la cafet', apparemment énervée.

    - Je vais leur faire manger leur administratif, s'ils continuent. Ah, j'en ai marre, mais j'en ai marre !
    - Qu'est-ce qu'il se passe ? lui demanda Amandine.
    - J'ai des papiers à remplir pour la mission Come & Nius ! Et on m'a chargée de réserver les trains !
    - Et ?

    Faye adopta une voix métallisée :

    - Bonjour. Vous vous trouvez actuellement en ligne avec la SNCF. Le temps d'attente est d'environ six heures.

    Puis elle commença à fredonner les quatre saisons de Vivaldi.

    - Mon pouvoir ne passe pas au téléphone. Résultat... j’ai pas a réussi à empêcher Eileen de...
    - Quoi ? Eileen ? C'est Eileen qui part sur la mission Come & Nius ?
    - Hein ? Oui, c'est elle. Avec six autres agents. Ne pose pas la question, tu n'es pas dedans. Par contre, moi, si.

    Amandine soupira, déçue.

    - Donc, reprit Faye, c'est moi qui ait pris les horaires de train ! Et on m'a bien fait sentir que vu ce que j'avais obtenu, au moindre pépin sur cette mission, c'était moi qui prenait !

    Elle jeta un paquet de feuilles sur la table :

    - Paris, quinze minutes pour changer de gare. Les horaires de métro sont déjà réservés, parce que, figure-toi "il est impensable de débloquer des crédits pour un taxi sur une mission aussi peu importante".
    - Ah, fit Amandine qui dissimulait sa jalousie en feignant l'indifférence.
    - Ensuite ! À Stuttgart, on a huit minutes pour changer de train ! Avec tout le matériel qu'on va transporter ! C'est de la folie... J'ai déjà repéré sur la carte un trajet en métro au cas ou, pour le rattraper dans la gare suivante. Et si on arrive à rater celui-là, et bien... je vais passer un sale quart d'heure...
    - Stuttgart ? En Allemagne ? Eileen part en mission en Allemagne ? Mais elle va y faire quoi ?
    - J'ai cru comprendre qu'ils avaient cherché tous les moyens possibles de ne pas l'emmener... Mais pas le choix. Les autres membres de sa mission vont aller discuter de je-ne-sais quoi dans une conférence. Sauf que cette conférence aura lieu dans un vieux château...
    - Hanté, devina Amandine.
    - Rien n'est moins sûr. Mais dans le doute, comme c'est une conférence assez importante, et qu'on ne peut pas se permettre de la rater...

    Eileen remonta sur ces entrefaites, toute guillerette, et sautillant de joie.

    - Ça va être gé-nial ! Je pars avec M. Sévire, et cinq autres élèves ! Et c'est Mme Hoplein qui va s'occuper de nous organiser avant la mission !

    Amandine haussa un sourcil :

    - Qui est Mme Hoplein ?
    - Mais siii, tu saiis ! C'est celle qui est responsable de l'organisation des missions !
    - Oui, acquiesça Faye. Tu ne te souviens pas du briefing qu'on a eu sur la répartition des cours ?
    - Euh, ouais ?
    - C'est la prof qui a réussi à tous nous caser par tiers de groupes dans les cours de préparation aux missions ! Sans que personne ne soit dans deux groupes à la fois, ni que personne n'est plusieurs cours en même temps ! On lui a même fait une ovation !
    - Ah, oui... En même temps, elle la méritait... C'était un véritable exploit...

    Elle jeta un coup d’œil a sa montre

    - Je vais devoir vous laisser, mes pingouins ! Il faut que je retourne voir si je peux vraiment pas obtenir mieux que ça, parce que là … Je retente le coup au téléphone, mais je crois bien que je vais devoir aller sur le terrain.

    Soupirant, Faye se rendit à l'extérieur. Encore une fois, elle s'attendait à voir une limousine mais ce ne fut qu'un minibus miteux qui allait la conduire. Elle demanda au chauffeur, Thomas :

    - Tu as essayé de les recontacter ? Tu as les statistiques de mes coups de téléphone ?
    - Juge par toi-même...

    Il alluma le téléphone par Bluetooth et attendit qu’on décroche :

    - SNCF réservation, j'écoute.
    - Bonjour, ici l'administration du LP2I...

    On raccrocha immédiatement. Faye sentait que cela n'allait pas être du gâteau. Elle en profita pour demander le nombre d'appels qui avaient été émis avant qu'on ne fasse appel à elle, il y a maintenant plus d'une heure. Ce nombre exprimait de manière parfaitement précise l'agacement de l'interlocuteur : 132.

    Après une heure de route et deux beignets au chocolat plus tard, Faye entra dans le bâtiment accompagné de son chauffeur. Elle doubla tout le monde dans la file qui semblait faire dix mètres et commença la conversation de la manière la plus charmante qui soit :

    - Ornithorynque !

    Voilà, elle venait de captiver totalement l'esprit de la personne à manipuler.

    - Que puis-je faire pour vous ?
    - Eh bien, tout d'abord, je souhaiterai annihiler en vous l'envie d'appeler toute sécurité qui soit. Ensuite, plusieurs personnes composées d'acide désoxyribonucléique à base d'antitétrachlorobensène et d'acide trichloracétique auront besoin de parchemins hypocondriaques pour philosopher dans les plaines Ouzbeks orientales. 
    - Cinq billets pour la destination de l’Allemagne, d'accord. Je vais supprimer les billets de certaines personnes, vous aurez la place qu'il vous faut .
    - Nous aimerions partir lorsque le dernier faisceau de neutrons lumineux aura atteint la pointe de pic hémophile.
    - Vers huit heures ? Aucun problème.
    - Je souhaiterais recevoir les trigonométries des huîtres pendimentionelles qui émettent des effluves infra-spasmodiques quand l'hémoglobino-chloridronique sera légèrement platonique et épistolaire.
    - Je vais les envoyer sur le mail de la responsable, Je vous fait également une baisse de 75% sur le prix des billets, ça ira ? 
    - C'est parfaitement parfait. Y-aura-t-il des octogones ratonico- dimentionels ? 
    - Oui, huit minutes pour votre changement.
    - Comment ? Vingt-trois sesterces ?
    - Sur ce point, je ne peux rien changer, je suis vraiment désolée.
    - Fichtre de pingouin futuroscopique et médiocaciminogène ! Nous ferons comme nous pourrons.
    - Tout es prêt, les billets ont été reçus, je viens d'avoir confirmation par mail.
    - Anamorphose.

    Faye, ravie, salua son interlocutrice et retourna dans la voiture avec  Thomas.

    - Beau match.
    - Cosinus, euh ... merci. Même si au final, ce n'est pas vraiment mieux.

    De retour au lycée, Faye passa à la vie scolaire, qui l’informa qu’elle ferait partie du jury de sélections des élèves de cercle un et deux souhaitant participer à la mission. Puis on l’autorisa à passer à table. Elle se précipita au self, affamée et pressée de retrouver des visages connus.

     

     

    À la fin de son repas, faye rejoignit la 2S02, où devait se passer le test. Elle eut le plaisir d'y retrouver Lucas :

    - Tiens, Lulu ! Tu viens faire partie du jury, toi aussi ?
    - Oui, on m'a sélectionné pour faire partie de la mission ce matin. Toi aussi ?
    - Je sais, je sais, c'est même moi qui t'ai sélectionné...
    - Pourquoi ?

    Faye sortit de son sac le fameux dossier rose.

    - Quand j'ai vu les caractéristiques du lieu ... « L'hôtel, commença à lire Faye, ancien monastère construit au abords d'un charmant cimetière n'est qu'à quelques pas du château où se déroulera la conférence ... Équipé de toutes les nouvelles technologies, celui-ci dispose d'un système de sécurité très perfectionné, et de toutes les dernière innovations... » Enfin... tu imagines le bazar si je ne peux aller nulle part parce qu'il y a des portes en acier à digicode qui me bloquent de partout ?
    - Je ne sais pas si je vais réussir à... enfin, tu es bien placée pour savoir que mon ordi actuel est tellement vieux que je ne suis pas sûr d'arriver à craquer un minitel ... Pourquoi est-ce que le précédent m'a laché aussi soudainement ?
    - J'ai prévu ça aussi, t'inquiète. Ton nouveau PC arrive demain.
    - Yeah ! C'est vrai ? C'est trop bien !
    - Oui, je sais. Maintenant, si tu permets, on a des secondes à examiner...

    Elle sortit de sa poche le trousseau de clé qui ne la quittait jamais et pénétra dans la salle. Celle-ci avait été aménagée par la classe précédente, et les tables étaient maintenant alignées face au tableau. Le fauteuil de la table du milieu était en cuir, tous les autres se contenteraient de simples chaise en plastique.

    - C'est pour toi, le fauteuil en cuir ?
    - Non, c'est même pas moi qui préside le jury... On attend Mme Hoplein, je crois. Et on aura aussi M.Sévire et tous d'autres professeurs principaux.
    - On est que nous deux en deuxième année, à partir ?
    - Non, il y a Eileen, aussi. Mais il était hors de question de la laisser faire les entretiens... et Arthur viens, mais il est avec l'infirmière, qui doit lui donner des calmants pour le voyage.
    - C'est quoi son pouvoir à lui, déjà ?
    - Il emmagasine de l'énergie pour la restituer plus tard. Mais en l'occurrence, il a encore un peu de mal à calculer le moment précis où il libère cette énergie, ce qui n'est pas pratique du tout... le seul moyen pour lui de s'en empêcher, c'est de se shooter aux sédatifs...

    Elle se laissa tomber sur une chaise et sortit un ordinateur portable :

    - Tu peux m'allumer le vidéo projecteur, s'il te plaît, et me passer le câble ?
    - Oui, tiens ! Tu veux faire quoi, avec ça ?
    - C'est un logiciel qui a été créé par un élève qui est vachement fort en codage. J'ai rentré tous les dossiers des élèves de cercles un et deux, et ça permet de faire un premier tri selon les caractères de la mission.

    Lucas vint s'asseoir à son tour.

    - Et c'est quoi les critères, là ?
    - On rechercherait quelqu'un avec un caractère guerrier, déjà...
    - Pourquoi on prend pas la fille... euh, tu sais, celle qui était absente en cours de décodage... Kalian, je crois. J'ai été jeter un coup d'œil sur son dossier. Elle suit une formation de sniper.
    - Parce qu'on cherche plutôt un gros baraqué, un bourrin de première catégorie qui ferait peur aux gens...
    - Ah, bon... ça devrait se trouver, ça... Quoi d'autres ?
    - Un télékinésiste, ou quelque chose y ressemblant...

    Elle pressa le touche « entrée » et sur les cinquante profils initialement affichés, seuls cinq restèrent en lice. Faye sourit, et sortit son téléphone portable. Les radiations émise par le site du lycée empêchaient toute communication avec l'extérieur, sauf depuis une ligne spéciale installée dans un bureau. Mais un réseau interne avait été créé, qui permettait aux élèves de communiquer entre eux.

    La jeune négociatrice composa un numéro, puis enfonça la touche « haut parleur ». À la grande surprise de Lucas, les micros du lycée se mirent à vibrer :

    - Corentin, Elina, Aria, Marianne, et Rachel sont demandées en 2S02 !

    Puis elle raccrocha.

    - Hein ? Fit Lucas interloqué. Ton portable est relié aux haut-parleurs ?

    Faye lui adressa une clin d'œil complice et sourit. Puis elle se dirigea vers la porte et l'ouvrit, prête à accueillir les nouveaux venus. Elle avait déjà entendu parler d'Aria par l'intermédiaire d'Ambre. La petite télékinésiste aux tendances gothiques avait beau être très maladroite, elle était d'excellente compagnie. En revanche, les quatre autres élèves étaient totalement inconnus aux deux deuxièmes années.

    Les élèves concernés accoururent presque aussitôt, et faye les fit asseoir en attendant l'arrivée des professeurs. Ceux-ci ne tardèrent pas, et prirent également place.

    - Bien, fit faye en croisant les mains d'un air important. Pourriez-vous chacun vous présenter rapidement et nous faire si possible une démonstration de votre pouvoir ? Euh... Aria ?
    - Je m'appelle Aria, je suis en cercle un... Je peux faire léviter de petits objets...

    Lucas afficha derrière elle le dossier remit par François après sa journée d'intégration.

    - Portée maximale, deux mètres. Hauteur maximale, deux mètres. Son rapport temps de lévitation/poids de l'objet est de 2.

    Cette unité, inventée par le lycée, était très utilisée par les télékinésiste, de plus en plus nombreux dans le lycée. Un rapport de 2 signifiait qu'elle pouvait en gros faire léviter un verre pendant une vingtaine de secondes.

    - Bien, poursuivit Faye. Suivante... Elina... Tu es donc en cercle deux... pourrais-tu nous parler de ton pouvoir ?
    - Je peux disparaître... pas invisible, mais me faire oublier, comme un caméléon...
    - Alors... si je lis bien, tu peux adopter jusqu'à quatre couleurs ou nuances de couleurs différentes. Mais tu ne maîtrise pas les effets de matières...
    - Non, pas encore. C'est pour cela que je suis passée en cercle deux... C'est récent, ça date de la semaine dernière.
    - Parfait... Rachel ?
    - Je suis en cercle un, et je peux passer à travers les murs... pas tous, mais la plupart. Mon passage en cercle deux est programmé si tout va bien pour dans deux semaines.
    - Murs de moins de vingts centimètres d'épaisseur, compléta Lucas en faisant défiler le dossier. Bois et plâtre, mais ni pierre, ni métal.
    - Ce serait parfait, réfléchit faye, si ne nous rendions pas dans un château médiéval... Euh... Corentin ?
    - Moi j'suis un warrior.
    - Pardon ?
    - Force et rapidité multipliée par deux depuis son arrivée, lut Lucas.
    - Ah, d'accord. Et ton cercle ?
    - Deux.
    - C'est ça... fit faye en prenant des notes à toute vitesse. Et pour finir, Marianne !
    - Je suis en cercle un... j'agis sur la matière... je peux modifier le poids d'un objet...
    - Un objet pesant moins de quatre-vingt kilos, ajouta Lucas. Peut augmenter ou diminuer le poids de 75% du poids de départ.

    Faye posa un point final à sa feuille de note.

    - Vous pouvez sortir. Nous allons délibérer, et nous vous rappelons dès que la décision est prise !

    Tous quittèrent la salle, certains excités, d'autres pas convaincus. Faye, Lucas et les professeurs présents argumentèrent pendant un petit quart d'heure, puis faye sortit de la salle et haussa la voix.

    - La décision est prise ! Partirons sur la mission Come et Nius : Corentin et Marianne ! Vous pouvez aller faire votre valise, un briefing est prévu à dix-huit heures en 0N05 ! Bonne chance !

    Le surlendemain, Faye, Lucas et son nouvel ordinateur, Eileen, Corentin, Marianne et Arthur montèrent dans la minibus qui devait les conduire à la gare. Pas une seule seconde ils ne se doutèrent que, bien dissimulée derrière une fenêtre du second étage, une ombre les observait avec un sourire satisfait.

    La voie était libre.

    Elle allait pouvoir passer à l'action...

     

     

     

    Fin du chapitre 1 ...

     


    2 commentaires


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique